Chroniques festivalières d'Avignon - 29 juin

Notre recommandation
4/5

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  • Heureux les orphelins - de Sébastien BIZEAU

Mise en scène : Sébastien BIZEAU

Avec : Emmanuel GAURY, Matthieu LE GOASTER, Paul MARTIN, Cindy SPATH, Maou TULISSI

Théâtre Les Gémeaux à 16H45

Durée : 1H20

Ce soir, Electre retrouve son frère Oreste, œuvrant loin des siens dans un cabinet ministériel. Alors que leur mère est dans le coma, l’heure est venue de mettre des mots sur le passé afin d’affronter le présent. Mais le langage se dérobe, entre les non-dits auxquels se heurte Electre et les éléments de langage d’Oreste, esquivant la réalité ou les échecs de son ministre sur les pesticides. L’urgence pour Electre est d'opposer les mots qui révèlent au silence qui tue.

Il y a beaucoup de superlatifs qu’on pourrait appliquer au spectacle de cette jeune compagnie. En adaptant le mythe d’Electre d’après le texte de Giraudoux, Sébastien Bizeau nous offre un petit bijou, d’intelligence, de drame et d’humour. Dans une langue très travaillée, d’une précision chirurgicale, il réussit le tour de force d’inscrire aux thèmes abordés : le problème du glyphosate, l’euthanasie, la fin de vie, la langue de bois en politique. Mais en auteur respectueux de son aîné, jamais il ne trahit sa pensée en insérant une grande partie des textes de l’œuvre originale. Il instille une modernité dans le propos que Giraudoux n’aurait pas désavoué. N’oublions pas l’équipe de comédiens qui virevoltent d’un personnage à l’autre en imprimant à chacun de leur caractère une authenticité bluffante. C’est classique dans sa forme, contemporain dans le fonds, un équilibre parfaitement dosé pour contenter tous les publics avec la même exigence. Un coup de cœur pour cette jeune équipe dont l’auteur fera certainement parler de lui.

Recommandation : 4 coeurs

 

  • Les valises bleues - de Gérard Vantaggioli

Mise en scène : Gérard Vantaggioli

Avec : Jean-Marc Catella, Stéphanie Lanier

Théâtre Le Chien qui fume à 17H

Durée : 1H20

Il est artiste peintre. Elle écrit des chansons. Lui, est obsédé par les formes souples des femmes. Elle, par la musique de leur premier jour. Ils s’aiment. A la folie.

Voilà une belle ode à l’amour que nous offre Gérard Vantaggioli avec ce spectacle qui vous emporte tout en douceur. Une pièce comme une caresse pour tous nos sens exacerbés. L’écriture, distillée dans un style simple, quotidien, délicatement travaillé respire un érotisme feutré et gourmand. La création lumière installe chaque tableau  dans des ambiances digne de Hooper qui épouse merveilleusement les mots et irise le parfum de ce lent désamour. La composition sonore vous enveloppe d’une douceur ouatée et tout cela dans un atelier d’artiste où le désordre évoque le désordre de la création et du sentiment amoureux. Et puis il y a les deux interprètes, amoureux fous, transis, bousculés par le ressac du temps qui n’en finissent plus de s’aimer par tous les moyens. Stéphanie Lanier incarne une magnifique lionne blessée d’amour, prête à tout pour ranimer et entretenir la flamme d’un brasier qui s’éteint petit à petit, d’une sensualité désarmante, fragile et bouleversante. Jean-Marc Catella, lui, représente cette montagne de vibration, tremblante à chaque instant, éruptive mais fuyante, fougueux et lâche. C’est un combat de fauves aux multiples cicatrices d’amour et de passion qui s’imprime sur des toiles azurs aux formes callipyges et dans des ombres chinoises qui s’effacent lentement. Il faut aller vibrer dans cet atelier sans réserve et découvrir ce que contiennent ces valises bleues… un beau voyage vers Cythère.

Recommandation : 5 coeurs

 

  • Du charbon dans les veines - de Jean-Philippe Daguerre

Mis en scène  :Jean-Philippe Daguerre

Avec Juliette Behar, Raphaëlle Cambray, Jean-Philippe Daguerre, Théo Dusoulié, Julien Ratel, Aladin Reibel, Jean-Jacques Vanier

Théâtre Le Chien qui fume à 14H50

Durée : 1H30

1958, à Noeux-Les- Mines, petite ville minière du Nord de la France. Pierre et Vlad sont les deux meilleurs amis du monde. Ils partagent tout leur temps en creusant à la mine, en élevant des pigeons-voyageurs et en jouant de l’accordéon dans l’orchestre local dirigé par Sosthène « boute en train-philosophe de comptoir », personnage central de cette petite sphère joviale et haute en couleurs malgré la poussière du charbon.
À partir du jour où Leila, la jeune et jolie marocaine, vient jouer de l’accordéon dans l’orchestre, le monde des deux meilleurs amis ne sera plus le même…

Quel beau conteur que Jean-Philippe Daguerre, l’histoire qu’il nous narre aujourd’hui est bouleversante de tendresse et de délicatesse. Sans artifices ni clichés, il nous fait pénétrer au cœur d’une famille du Nord aux conditions de vie sans concession, solidaire, fraternelle dont le cœur bat au même rythme : celui de la mine. Mais dans cet univers sombre de poussière de charbon, il y a les rayons de soleil de l’amour et de l’humanité qui peut transpercer les nuages de suie. Une histoire d’amitié bouleversée, incarnée sobrement par Théo Dusoulié et  Julien Ratel, chamboulée par l’arrivée de la si juste Juliette Behar. Une histoire simple, ordinaire mais qui nous accroche par le bout du cœur. Le trio formé par les parents, Raphaëlle Cambray, Aladin Reibel, Jean-Jacques Vanier nous touche par son authenticité, mais aussi par sa fragilité et sa résilience. L’idée du contexte de l’arrivée de la télévision dans ce foyer réveille en nous cette nostalgie d’un temps où on se parlait encore avant que le monde fasse irruption brutalement par la lucarne au quotidien. Réfléchir à ce qui fait nation dans son identité affleure également dans les propos tenus et prêche une tolérance indispensable aux heures que nous traversons. C’est une histoire simple, c’est une belle histoire, laissez-vous la conter.

Recommandation : 4 coeurs

 

  • Le bateau pour Lipaïa - d'Alexeï Arbuzov

Mise en scène : Gil Gaillot

Avec : Bérengère Dautun, Emmanuel Dechartre

Théâtre Le petit chien à 12H05

Durée : 1H15

A l’aube de leur dernière traversée, deux cœurs en hiver vont s’apprivoiser avec humour et tendresse. Dans le cadre d’un établissement de cure, Lidia et Rodion redécouvrent la chaleur et les petites joies de la vie. Une histoire d’amour à la pointe du cœur.

« C’est ennuyeux de vieillir mais c’est notre seule chance de vivre longtemps ». C’est sur aphorisme en forme de virgule que nos deux interprètes vont évoluer tout au long du spectacle. Lidia, interprétée par Bérengère Dautun est pétillante, sensible, désinvolte avec beaucoup de charme. Emmanuel Dechartre incarne un Rodion meurtri, délicat, à fleur de peau avec beaucoup de délicatesse. Ici pas de place pour les regrets ni les remords. Le traitement du sujet sur ce troisième âge de la vie est réconfortant, baignant dans un optimisme qui fait du bien par les temps qui nous soucient. La complicité des deux interprètes et leur écoute font goûter aux spectateurs une maîtrise du jeu qui révèle à la fois le texte et la parfaite intelligence des situations.

Simplicité et dépouillement sont les maîtres mots de cette comédie sentimentale auxquels s’est appliqué le metteur en scène. Deux interprètes de talent nous emportent sur les rives lumineuses de Lipaïa. Embarquez pour une belle traversée avec eux.

Recommandation : 4 coeurs

 

  • Ring - de Léonor Confino

Mise en scène : Côme de Bellescize

Avec : Amaury de Crayencour , Jina Djemba

Théâtre Actuel

Durée : 1H15

 De la première rencontre à la dernière rupture, seize rounds amoureux qui oscillent nerveusement entre rire et drame. Amants, parents, étrangers, divorcés, veufs, maris et femmes… tous s’appellent Camille et tous se débattent avec leurs pulsions, leurs éducations, leurs idéaux. D’une étincelle se propage un feu, d’un malentendu éclate une guerre, malgré les efforts surhumains de chacun pour aimer l’autre… et s’aimer soi-même.

 Dans cette belle variation sur le couple et la traversée d’une vie à deux, nous effectuons un périple joyeux et tendre. Chez Léonor Confino tout est affaire de précision : une plume chirurgicale, incisive mais toujours trempée à l’encre de la tendresse et de la bienveillance. Le couple et sa lente mue nous est exposée dans le miroir avec ses métamorphoses dans lesquelles nous nous plaisons à voir notre reflet… ou celui des autres.

Côme de Bellescize a su donner au texte une dimension tout à fois profondément humaine et jamais caricaturée. Miroirs de nos angoisses parentales, reflets de nos doutes et de nos certitudes, la direction des comédiens est remarquable de précision dans une infinité de petits détails : un regard échappé, un geste amorcé, une respiration interrompue… un travail d’orfèvre … un régal pour le spectateur. Et puis, il y a tout le travail corporel réalisé par Mehdi Baki qui permet à Amaury de Crayencour et Jina Djemba d’être dans leur jeu, protéiformes, tour à tour animaux luxurieux, amants passionnés, solitudes écorchées ou amoureux transis. Cela offre au spectacle une fluidité singulièrement apaisante et rythmée.

Enfin les deux interprètes sont magistralement incarnés par ces deux entités qui se cherchent, se trouvent, se déchirent mais s‘aiment encore et encore. Leur écoute, la faculté qu’ils ont de saisir chaque opportunité qui leur est offerte de s’abandonner parfois dans un lâcher prise qui nous saisit aussi bien dans l’émotion que dans l’humour. Commencez votre journée avec eux, c’est la garantie de rajouter du soleil à celui qui baigne le festival et de bien commencer votre séjour avignonnais.

Recommandation : 5 coeurs

 

  • Un bon job - de Stéphane Robelin

Mise en scène : Stéphane Robelin

Avec : Philippe Chaine, Lionel Nakache, Juliette Marcaillou, Tom Robelin, Sophie Vonlanthen 

Théâtre Les Gémeaux à 18H25

Durée : 1H15

Pour se libérer de sa charge mentale, Johana s’offre les services d’un « homme à penser ». Son employé à domicile va apprendre à penser comme elle pour la remplacer en toutes circonstances : dans le business qu’elle gère depuis chez elle, comme dans la gestion des problèmes familiaux. 

Voilà une pièce jubilatoire dont le cynisme n’a d’égal que l’audace du propos. L’exploitation de l’être humain et de ses compromissions poussées à son maximum. 

Dans un mélange d’humour et de fond de réalité pas si éloigné d’un futur proche, l’auteur et metteur en scène Stéphane Robelin nous expose les travers d’un grand capital prêt à tout pour réveiller les plus bas instincts d’une classe laborieuse prête à tout pour s’en sortir. Au frontière de l’absurde et du désespérément humain l’équipe de ce spectacle nous entraîne dans un rythme tout cinématographique dans un cauchemar éveillé avec un dynamisme qui pourrait nous faire frémir d’horreur si ce n’était pas une fable. Une réflexion intéressante sur l’âme humaine et la limite de ses convictions. Frisson moral garanti.

 

Recommandation : bon

 

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