CYRANO

QUAND CYRANO SE PREND POUR CLEOPATRE, IL EST VRAIMENT TOUCHANT !
De
Edmond Rostand
Mise en scène
Bastien Ossart
Avec
Iana-Serena de Freitas, Lucie Delpierre, Nataly Florez ou Marjorie de Larquier Compagnie Les Pieds Nus
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

LE FUNAMBULE MONTMARTRE
53 rue des Saules
75018
Paris
01 42 23 88 83
Jusqu'au 27 octobre 2019 du mardi au samedi 19h, le dimanche à 17h30

Thème

Archi connu, monté 100 000 fois, rappelons en  l'essentiel : la magie du verbe et de la poésie volent au secours d'un amoureux transi promis à toutes les rebuffades, au prix d'un subterfuge ô combien douloureux pour son auteur, Cyrano de Bergerac, mousquetaire du roi Louis XIII ; Roxane, ravissante et bien dotée est promise au Vicomte de Valvert mais elle est amoureuse du jeune Christian de Neuvillette, beau, un peu niais et qui ne sait pas du tout parler aux femmes. Amoureuse certes, mais pas encore conquise. C'est là que Cyrano, éperdument amoureux lui même va se rendre complice du jeune cadet en lui prêtant sa faconde et sa plume  pour séduire la belle... à son insu. Consolation salutaire car son appendice nasal est un obstacle insurmontable, du moins le pense-t-il, à l'assouvissement de sa passion.

Points forts

On savait que Cyrano était mort jeune, quasi assassiné, agonisant dans la misère, usé par l'opprobre et le désamour, tout en brûlant encore de tous ses feux pour Roxane, sa dulcinée. On le savait poète et agile de la rapière. On le savait amoureux et généreux. Bref, on croyait tout savoir de Savinien de Cyrano de Bergerac après les interprétations de Francis Huster ou de Depardieu et les mises en scène de Michalik, sur les planches et sur la toile. On pensait tout connaître de ce courageux - et téméraire - cadet de Gascogne, contemporain de d'Artagnan, sinon la longueur exacte de son nez. Eh bien non.. on ne l'avait jamais vu ou entendu en femme, et quelle femme ! Son bras armé pointe vers le Vicomte de Valvert... avec la fougue d'un vrai mousquetaire. Sa diction est parfaite, sa voix nous emporte tout comme la poésie de Rostand, brillamment.

Et, c'est vrai, détournant la présentation du metteur en scène, nous le disons : (Voir et entendre) Cyrano c'est comme goûter indéfiniment quelque chose que l'on aime ... comme un gâteau au chocolat ". C'est une gourmandise savoureuse, riche, au goût puissant. En outre avec ses acteures (!) d'où pointe naturellement quelque féminité, elle est très appétissante ! Qui s'en plaindrait ?

Cette interprétation par trois femmes qui s'échangent les rôles au cours de la pièce dont l'adaptation est concentrée, en 1h40, sur l'essentiel, confère à ce CYRANO nouveau une légèreté (on danse et on rit beaucoup) et une cocasserie qui décoiffent.  Les masques et pitreries de Raguenau, le pâtissier, et de la Duègne sont extraordinaires de drôlerie ; le charme et la beauté de Roxane, contrastant avec son visage de Cyrano affublé d'une "péninsule" gigantesque, nous comblent de plaisir et d'émotion.

L'adaptation resserrée par le metteur en scène met harmonieusement mais avec efficacité le focus sur les trois séquences phares de la pièce : la tirade du nez, la scène du balcon et la mort de Cyrano. C'est net, c'est bien vu car tout au bénéfice de "l'intrigue amoureuse". Sur d'autres planches on a été, en effet, parfois un peu "envahi" par les péripéties du siège d'Arras ou assailli par un nombre incalculable de déclarations avortées ou de leçons de poésie trop vite oubliées. A l'opposé du jeu de matamore de Coquelin lors de la création de Cyrano (en 1897 par Edmond Rostand), cette interprétation là nous conduit par la main au plus près du débat amoureux.

Quelques réserves

- Sobriété confinant à l'indigence des décors , sur une scène étroite et sombre, péniblement mise en lumière par 3,4 bougies mises là pour faire "monde ancien" sans doute.

- Mort sans fin de Cyrano au dernier tableau (trop long par rapport à la durée réduite de la représentation) dont l'interprète surjoue la détresse et la souffrance.

Encore un mot...

Bastien Ossart, le jeune metteur en scène de ce Cyrano au féminin, s'est fait le spécialiste du théâtre baroque, celui du XVIIe siècle, avec Molière, Racine ou Corneille. Il veut lui rendre ses lettres de noblesse et valoriser "ses codes de jeux : gestuelle, maquillage chatoyant, éclairage à la chandelle" ; après avoir monté Andromaque, les Fourberies de Scapin, Don Quichotte, le Dialogue des Carmélites, il fonde la compagnie du Théâtre des Pieds Nus qui se produit actuellement dans ce petit théâtre Le Funambule, au pied de la butte Montmartre, et crée le Cabaret Shakespeare.

Décidément, Monsieur de Bergerac nous surprendra toujours. Courrez rue des Saules (la salle est minuscule) à deux pas de la rue Saint Vincent... On y entend encore presque chanter Bruant.

Une phrase

CYRANO : Sur quoi, selon votre coutume, Comptez-vous aujourd’hui l’interroger ? 

ROXANE : Sur... 

CYRANO, : vivement. Sur ? 

ROXANE : Mais vous serez muet, là-dessus ! 

CYRANO : Comme un mur. 

ROXANE : Sur rien !... Je vais lui dire : Allez ! Partez sans bride ! Improvisez. Parlez d’amour. Soyez splendide !

L'auteur

On ne présente plus Edmond Rostand ; notre plus grand auteur dramatique dit-on, en tout cas le plus célèbre, monte CYRANO à 29 ans, en 1897. Son ode au Panache et à l'Amour lui vaut la légion d'honneur remise sur le champ dans sa loge par le ministre des finances de l'époque.

Notre chantre du patriotisme à la française, réinventeur d'un théâtre héroïque, arrivait à point nommé dans une France abattue et divisée. A 33 ans, il était le plus jeune Académicien de France. Après ce triomphe de Cyrano il poursuivra sa brillante carrière avec l'Aiglon.

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