
Et j’en suis là de mes rêveries
Durée : 1h45
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Thème
Jacques, cycliste amateur au chômage, sillonne sa région, monte régulièrement au Col de l’Homme Mort, et rencontre en route plusieurs personnages : une famille d’aubergistes du village de Gogueluz, un curé et un policier qui enquête sur la disparition mystérieuse de l’un des protagonistes, le fils, tous interprétés par le même comédien.
Avec chacun s’instaurent des relations ambigües, où l’attraction homosexuelle s’impose comme une jauge préalable aux relations sociales qui peuvent aller jusqu’au crime.
Points forts
La comédie grinçante est au cœur de l’écriture dans un univers où règne le désir entre hommes.
Un seul comédien se transforme tour à tour en curé, en psychopathe, en collègue d’usine ou en policier lorsque la satire sociale tourne au polar.
La mise en scène, volontairement dépouillée, joue des clichés habituellement attachés aux décors de théâtre.
Un humour noir omniprésent donne à la fable une profondeur certaine, tout comme l’accent du Sud-Ouest ajoute au candide des déclarations et aparté de Jacques, dont la voix off accompagne tous les faits et gestes comme s’il s’agissait d’un troisième personnage.
Quelques réserves
Une (trop) longue séquence vidéo vient interrompre la narration des tribulations de Jacques pour les transporter en d’autres lieux et d’autres intrigues.
La nudité obligatoire tourne à l’exhibition lassante sans être nécessaire à la crudité du propos déjà évidente.
Encore un mot...
Sous un air léger et drôle se cachent des questions sociales et existentielles liées à la rencontre, aux jeux amoureux, au travail et aux rapports de force familiaux ou plus largement sociaux.
Lorsque la satire vire au crime, Jacques ne se départit jamais de son caractère débonnaire comme si, fondamentalement, il aspirait à disparaître faute d’avoir trouvé une place satisfaisante dans une société violente et absurde. Son double - sa voix off - le tient à distance des gestes irréparables qu’il commet malgré lui, comme par inadvertance, et avec la conscience de sortir d’une route qu’il serait incapable de retrouver.
Une phrase
- « C’était assez simple dans le sens où dans le texte, je trouve qu’il n’y a rien de choquant. Les situations que vit Jacques sont même assez drôles. Quand il dit après le meurtre, « Oh là là, c’est quand même beaucoup de soucis de toujours penser à tout, le moindre détail, ça pourrait me conduire à un surmenage, ça doit bien exister le burn out du criminel. », j’avais l’impression qu’il y avait de la matière à jeu. Il a tué deux personnes, et il continue de se poser des questions en profondeur. Qu’est ce que ça me fait ? C’était un accident, c’était pas un accident ? Je suis un meurtrier ? Dans cette partie, la frontière entre rêve et réalité devient de plus en plus poreuse. Pierre est torse nu, on sent qu’il y a quelque chose qui a vrillé. Il s’adresse beaucoup moins au public à ce moment-là. J’avais envie qu’on entre dans le tourbillon de ce qui se passe pour lui... » (entretien avec Maurin Ollès, extrait).
L'auteur
Né à Villefranche-de-Rouergue en 1964, Alain Guiraudie est un réalisateur et scénariste français passionné pour la culture populaire des terroirs. Son premier court métrage, Les héros sont immortels, est réalisé en 1990.
Dans le style du conte picaresque, Guiraudie s'attache à représenter la classe ouvrière comme dans le moyen métrage Ce vieux rêve qui bouge, lauréat du prix Jean-Vigo, et présenté en 2001 à la Quinzaine des réalisateurs que Jean-Luc Godard qualifia de « meilleur film du Festival de Cannes ».
Filmant toujours dans le Sud-Ouest, Alain Guiraudie passe ensuite au long métrage avec Pas de repos pour les braves, Voici venu le temps, Le Roi de l'évasion, et L'Inconnu du lac, sélectionné dans la section « Un certain regard du Festival de Cannes » en 2013.
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