
Frère(s), l’étoffe d’un chef
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Thème
Maxime, un enfant de banlieue expulsé du circuit scolaire à 15 ans, se retrouve à préparer un CAP de cuisine. Il y fait la rencontre d’Emile, le fils d’un chef réputé. Entre brimades potaches saturées de testostérone des camarades de promo, sévérité militaire des chefs (« chef, oui chef ! ») et découverte des saveurs, une amitié inattendue s’installe entre ces deux êtres si différents que le choc des déterminismes sociaux n’épargne pas.
Les cuisines, terrain de la compétition et d’une quête frénétique de l’excellence, sont comme une caricature de la brutalité de la vie.
Tandis que l’un rêve des étoiles du Michelin, l’autre a le goût d’un bonheur plus modeste et que leur procurerait une petite affaire rien qu’à eux.
Points forts
L’écriture de la pièce est parfaite, à la fois percutante et elliptique, ménageant ce qu’il faut de tension, de rire, de tendresse et de surprise pour faire de cette histoire, bien plus qu’une success story dont la morale pourrait être douteuse - (« quand on veut on peut », « on y arrive par le travail », « il suffit de traverser la rue » - ), un vrai conte mélancolique. L’absence même de happy end est à la fois frustrante, et prometteuse : tout peut encore arriver, du moins peut-on l’espérer.
Les deux comédiens, à la diction parfaite, mettent leur formidable et généreuse énergie au service de ce spectacle très physique. Il est joliment rythmé par des scènes chorégraphiées qui, bien plus que des moments de divertissement, donnent à voir la danse des corps machine au service de ce qui peut être aussi, malgré le talent et malgré l’art, une industrie aliénante.
Le décor, réduit à un minimum fonctionnel et efficace, est fait de cubes emboités pouvant figurer le carrelage d’un laboratoire de cuisine et qui, démontés, servent de siège, de gradin, d’accessoires aux différentes scènes. Une estrade, un micro et un jeu d’éclairage font surgir d’autres personnages, ceux du présent, comme ceux qui hantent la mémoire.
Du théâtre pour tous, en somme.
Quelques réserves
- La fumée, décidément à la mode au théâtre, est peut-être un peu trop présente, à un moment au moins qui pourrait aisément se passer de ce subterfuge.
Encore un mot...
Si l’amitié et l’importance de certaines rencontres qui scellent un destin sont au centre du propos, la pièce évoque aussi des réalités sociales, et de ce point de vue la mise en parallèle du foot et de la cuisine est une idée lumineuse et admirablement concrétisée par la scénographie.
La divergence des aspirations engendrée par des origines sociales très différentes, la rudesse des conditions de travail dans une brigade de cuisine, la médiocrité des rémunérations et l’étendue des plages horaires, tout cela est dit sans dogmatisme et avec une légèreté qui ne rend pas le propos moins juste.
Une phrase
« Ce qui fait l’étoffe des grands, c’est la sueur, pas le talent. »
« Ce métier c’est une horreur : tu donnes ta vie, ta santé et tes amours pour que d’autres viennent s’assoir à une table et oublient ce qui les attend dehors. Mais sans nous, le monde n’aurait pas la même saveur. »
Emile : « Je ne suis pas snob, j’ai bon goût.
- Max : … çCa c’est typiquement une remarque de snob ! »
L'auteur
Auteur et scénariste (il a co-écrit entre autres Un p’tit truc en plus et la série Septième Ciel), Clément Marchand a composé avec Frère(s), l’étoffe d’un chef, sa première pièce.
Le Ce spectacle a été lauréat de l’édition 2022 du Festival Découverte de la création théâtrale et joué en Off au Festival d’Avignon en 2023.
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