
La Corde
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Thème
Même si Rope, le film du maître du suspense sorti en 1953, avait beaucoup surpris - en se résumant à une sorte de long plan séquence sans montage (Hitchcock avait filmé une pièce à peu près éponyme, The ropes end, sans entracte ni coupures) – ce film ne pouvait être qualifié de chef d’œuvre ; pour autant, il était pétri d’humour, de beaucoup d’humour (noir bien sûr).
Dans le rôle “tasse de thé et petit doigt en l’air“ de madame de Roquemaurel, Myriam Boyer campe une maman subjuguée par son homosexuel de fils, lequel vient d’utiliser devant nous peu auparavant d’une cordelette pour étrangler un vieux copain d’université, comme ça, juste par défi, pour s’amuser avec son compagnon terrorisé.
Après le meurtre du bon camarade qui n’avait fait de mal à personne, les deux amis organisent un pot de départ dans leur appartement et réunissent une jeune et jolie voisine (future épouse de l’homme présupposé disparu), un autre camarade, plombier serrurier de son état, la maman de l’étrangleur et un personnage important, Emile Cadell, intellectuel, ancien professeur de ces jeunes gens.
Le fiancé tardant à se joindre - et pour cause - à cette joyeuse bande qui sable le champagne, un jeu de rôles d’assez mauvais goût se met en place : pourquoi Antoine, le fiancé de Marie, tarde-t-il tant ? Qu’a-t’ il bien pu lui arriver ? Cadell, se muant en limier et fin psychologue, s’évertue à dénouer les fils de l’intrigue.
Points forts
Le jeu de rôles constitue le moment réellement fort de la pièce. Cette longue séquence met un peu de piment dans une intrigue, quelque peu convenue par ailleurs, qui réunit et oppose dans une sorte de huis clos tous les personnages acteurs de ce psychodrame interprétés par d’excellents comédiens :
Myriam Boyer, qui joue aussi le mort (un mort qui a tendance à se réveiller inopinément) est désopilante ;
le serrurier, homme à tout faire, notamment le service, se révèle désarmant en amoureux transi ;
Emile Cadell (Gregori Derangère), so british, parait sorti d’un film d’Alfred Hitchcock, dans la peau d’un inspecteur sourcilleux, ambigu, mais crédible ;
Louis (Audran Cattin), son compagnon Gabriel (Thomas Ribière) et même Antoine (Martin Karmann) qui passe 90 % du temps au fond du coffre (il jouera aussi le serrurier), sont très bons aussi.
Quelques réserves
Au Marigny, on sourit un peu mais on n’a jamais peur, faute d’être pris par l’intrigue, car tout est prévu, millimétré, disons sans effet de surprise : « C’est mathématique » déclare le metteur en scène. Mais sa mise en scène est rigide et trop statique, et ne reflète pas l’aisance du milieu et de l’appartement dans lesquels évolue ce couple d’hommes plein d’avenir.
Bien qu’inspirée d’une histoire vraie, les tenants de la révélation paraissent difficiles à croire (la source ? Un ticket de cinéma retrouvé par hasard dans une poche, un chapeau… ?), d’autant que vers 1920, année de la création de la pièce par P. Hamilton, on n’allait pas beaucoup au cinéma !
Le suspense reste très artificiel, les invités tournant bien longtemps autour du pot, en l’occurrence d’un coffre qui fait office de table du buffet et recèle le cadavre.
La démonstration « nietzschéenne » - les meilleurs, parce que les plus forts, doivent prendre la place des plus faibles - du professeur nous passe ici un peu au-dessus de la tête
Presqu’aucune référence métaphorique à la relation paroxystique des deux hommes, qui est fondamentale dans le déroulement et le ressenti de l’acte fatal (un crime homosexuel) imaginé par Hamilton en 1920, d’après une histoire vraie, et repris comme telle par le maître du suspense au cinéma en 1948).
Encore un mot...
- Sachant que dans sa version filmée, Hitchcock avait recentré le pitch sur les motivations des meurtriers, et que pour accentuer le suspense étouffant du huis clos il avait convié les parents de la victime à participer au pot d’adieu (!), on se demande bien pourquoi Guy-Pierre Couleau et Lilou Fogli ont éprouvé le besoin d’introduire un personnage folklorique et béat d’amour en la personne du serrurier-plombier, excellent par ailleurs. On perd ici en intensité dramatique ce que l’on a peut-être gagné en effet comique, ce qui a contrario nous éloigne du sujet d’une intrique policière prétendument « à couper le souffle. »
Une phrase
- « Ah, il faut que je vous dise, j’ai vu un film… touchez ma main, C’est froid ? Non, c’est la frayeur, j’ai la chair de poule. Il y avait une victime, des témoins, c’est de ce réalisateur, très connu, ah comment s’appelle- t-il, je l’aime beaucoup, un peu bedonnant … avec son cigare et son humour, Albert ? Non, Alfred. Oui. Alfred Hitchcock ? »
L'auteur
Patrick Hamilton est un auteur et dramaturge britannique (1904-1962) qui a écrit quelques très bonnes pièces dans le même registre, comme Angel Street (gaslight) qui sera adapté au cinéma et Hangover Square.
L’adaptation est signée par la Française Liliou Fogli, actrice et scénariste, née en 1981, diplômée de l’Actors Studio de New York. Elle a par exemple écrit Mur Mur pour le théâtre avec Clovis Cornillac, ainsi que des films pour le cinéma comme Hors-pistes, et des séries comme Brigade Navarro.
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