La Mouette

Un chef d'oeuvre magistralement dépoussiéré
De
Anton Tchekhov
Traduction: Olivier Cadiot
Mise en scène
Thomas Ostermeier
Avec
Bénédicte Cerutti, Valérie Dréville, Cédric Eeckhout, Jean-Pierre Gos, Francois Loriquet, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Matthieu Sampeur, Marine Dillard (peintre)
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006
Paris
01 44 85 40 40
Jusqu'au 25 juin

Thème

« Tous les grands textes de théâtre contiennent pour ainsi dire plusieurs pièces. Cela vaut aussi pour La Mouette » remarque Ostermeier. Ici, c’est l’amour et l’art qui sont au centre de l’œuvre. Deux thèmes qui se lient très facilement par cette même contradiction: nécessaires à chacun, ils existent grâce au regard de l’autre.

Medvédenko aime Macha, qui aime Constantin Tréplev, qui aime Nina, qui aime Trigorine, qui est l’amant d’Arkadina... L’amour est-il une simple chaîne destructrice ou est-il vraiment possible d’aimer et être aimé en retour ?

Mais Tcheckhov ne se limite pas seulement aux relations amoureuses. Il nous donne également à voir la complexité de l’amour entre une mère et son fils. Comment s’affirmer quand on recherche constamment l’amour et la reconnaissance de sa mère ? Comment vivre quand celle-ci nous écrase par son jugement et sa réussite ?

Ces mêmes protagonistes s’opposent sur la question de l’art et sur ce qu’il devrait être. Quand les artistes établis comme Arkadina, prônent un art conventionnel, les plus jeunes eux, souhaitent s’engager autrement en révolutionnant les codes du théâtre.

Points forts

- Je le rappelle, bien que ce soit une évidence pour beaucoup: le texte est l’un des points forts de ce spectacle. La Mouette fait partie des grands chefs  d’œuvre de Tchekhov. Il y aurait mis « cinq pouds d’amour...» soit une quantité égale à son propre poids. Cela témoigne bien de tout son investissement et son application dans la réalisation de cette œuvre !

- Ostermeier fait partie de ces metteurs en scène qui apporte quelque chose de nouveau et de moderne au théâtre. La Mouette le prouve à nouveau. Grâce aux lumières, à la musique, aux costumes, aux partis pris. On est surpris. Certaines scènes nous donnent l’impression d’être au cinéma, mais en mieux car le spectacle se joue sous nos yeux. Grâce à ces metteurs en scène, les jeunes retourneront au théâtre, tant l’expérience vécue par le spectateur est forte. Alors, merci Mr Ostermeier d’apporter une touche « rock » au théâtre, qui en a tant besoin.

- En outre, la prouesse d’Ostermeier est d’avoir su respecter le texte d’origine en faisant, à mon sens, une très fine analyse des personnages, mais en s’appropriant véritablement la pièce. Il en fait une proposition différente et personnelle.

- Stanislavski disait: « jouer c’est livrer quelque chose de son intimité en public ». Les comédiens honorent le maître : ils sont vivants et sincères ! Avec une mention spéciale pour les trois femmes, tellement justes et émouvantes.

- Bravo à Marine Dillard, talentueuse peintre, qui ouvre le bal et qui tient les spectateurs en haleine un petit moment. Que dessine-t-elle ?

Quelques réserves

- Les apartés n’apportent pas grand-chose et le rythme de la pièce en pâtit. Je parle surtout de l’aparté évoquant la guerre en Syrie, qui est à mon avis inutile. Comme le dit Macha elle-même, « ils ne sont pas là pour ça ». D’autant plus que la manière dont elles sont amenées manque de finesse. On comprend la volonté du metteur en scène d’inscrire la pièce dans une temporalité actuelle, mais la démarche est un peu trop volontariste.

- A certains moments, il est difficile d’entendre les comédiens. C’est très frustrant. J’espère qu’ils en prendront vite conscience...

Encore un mot...

Adeptes de spectacles qui « dépoussièrent » les classiques, vous ne serez pas déçus ! Allez-y, vous vivrez une expérience riche en moments théâtralement magiques.

L'auteur

On ne présente plus Anton Tcheckov, l’un des auteurs les plus connus de la littérature russe, notamment réputé pour ses brillantes descriptions de la vie dans la province russe, à la fin du XIX° siècle. On lui doit Oncle Vania, La Mouette, La Cerisaie, Les Trois sœurs…

Ce qu’on sait peut-être moins, c’est à quel point Tchekhov était un auteur très engagé socialement et à quel point ses expériences humanistes ont marqué son œuvre. Médecin, il a soigné des milliers de personnes précaires sans être payé. Il a fondé des écoles et des librairies. Il a également passé du temps sur l’ile de Sakhaline, où il a été médecin volontaire pour les détenus du bagne et où il a réalisé une enquête sociologique pour témoigner de leurs conditions de vie atroces. Pourtant, dans la majorité de ses pièces, il ne parle pas de ces questions sociales. Au contraire, il décrit une bourgeoisie qui ne se préoccupe principalement que de carrière ou d’histoire d’amour. Néanmoins, dans La Mouette, la crise sociale est présente, mais en arrière-plan. 

Ostermeier dit avoir pris d’avantage en compte la biographie de Tchekhov pour la création de cette nouvelle mise en scène.

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