A la recherche du temps perdu

Que de temps perdu
De
Marcel Proust
Adaptation : David Legras
Mise en scène
Virgil Tanase
Avec
Virgil Tanase, David Legras
Notre recommandation
2/5

Infos & réservation

Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville
75005
Paris
01 42 01 81 88
Jusqu’au 28 décembre, le lundi à 18h et le dimanche à 16h30

Thème

On a fêté en 2019 le centenaire du Goncourt obtenu par Marcel Proust pour à l’ombre des jeunes filles en fleurs. Ce seul en scène propose une (re)lecture de morceaux choisis de son œuvre, mis en scène et interprétés.

Points forts

* Le choix des textes est juste. A côté des morceaux de bravoure, comme la fameuse madeleine, on découvre des passages plus méconnus.

* Une très belle scène, la mort de Bergotte : l’acteur ne la joue pas, mais se contente de simplement la dire, sans artifice, mettant en valeur la musicalité de la phrase proustienne et sa structure complexe.

* Le comédien, tout de blanc vêtu, porte avec distinction un complet trois pièces blanc en lin, une gabardine et une écharpe de la même matière. On retrouve la distinction que l’on eut prêté à l’élégant Swan.

Quelques réserves

* Le metteur en scène et l’auteur ont fait le choix de s’approprier le texte en transformant une œuvre littéraire en pièce de théâtre.
Deux solutions se présentaient alors : soit se mettre au service du texte, comme l’avait si joliment fait Jacques Mougenot dans son “Proust en clair” à la Huchette l’année dernière, soit engager Fabrice Lucchini. Or c’est une troisième voie qui est suivie ici, au détriment de celle de Proust : interpréter le texte à leur façon. Si on ne doute pas de la sincérité ni de la démarche artistique du metteur en scène ni de l’artiste, on ne peut que constater les dégâts.

* La musicalité de la phrase a complètement disparu, remplacée par une interprétation saccadée qui déconstruit ce que Proust a patiemment assemblé. David Legras cherche à capter l’attention du spectateur en adoptant un rythme haché, intercalant de longs silences, comme si l’auteur cherchait en permanence le sens de ce qu’il racontait. Ces silences nuisent à l’essence de la phrase proustienne : son intensité, la tension qui unit les éléments qui la composent, sa construction millimétrée.
Proust laisse à ses lecteurs peu de possibilités pour déployer leur imagination. Chaque phrase apparaît comme une totalité, alors qu’ici, elle est trop souvent entrecoupée de pauses.

* Virgil Tanase dirige David Legras, qui joue à être Proust, mais l’oublie rapidement. La mise en scène est datée, qui consiste en une suite de poses théâtrales. À quand Bigard disant du Cioran ou Souchon reprenant, sac à dos et culottes courtes, les hymnes rock d’ACDC ?

Encore un mot...

Virgil Tanase et David Legras tentent ici le pari risqué de mettre en scène Proust, c’est-à-dre de jouer un texte écrit pour être lu dans un livre, un texte que son auteur peaufinait encore le jour de sa mort... 

Selon moi, et sans jouer au “gardien du temple“, c’est raté, de la conception à la réalisation. Mais tout le monde n’est pas de cet avis, et le spectacle a récolté des critiques élogieuses de la part de nombreux médias.

Une illustration

Une phrase

La mort de Bergotte :

« Dès les premières marches qu’il eut à gravir, il fut pris d’étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l’impression de la sécheresse et de l’inutilité d’un art si factice, et qui ne valait pas les courants d’air et de soleil d’un palazzo de Venise, ou d’une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer, qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune ».

L'auteur

Je vous renvoie à « Hommes et destins » de Stefan Zweig, qui raconte Proust comme un destin qui s’emballe, un cheval fou enfermé dans une chambre, un malade que la maladie gagne sans espoir de rémission, un génie d’une intelligence, d’une acuité, d’une sensibilité hors normes, qui a construit une œuvre sans équivalent.

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