LA TENDRESSE

Surréaliste et jubilatoire. Un festival de hip-hop met en scène la reconstruction d’une virilité émasculée
De
Ecriture et dramaturgie : Kevin Keiss, Julie Berès, Lisa Guez avec la collaboration d’Alice Zeniter
Mise en scène
Julie Berès
Avec
Bboy Junior, Nathan Bouzy, Naso Fariborzi, Alexandre Libérati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Scheiner, Mohamed Seddiki
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bd de La Chapelle
75010
Paris
01 46 07 34 50
Jusqu’au 22 mai 2022, du mardi au samedi à 20h30

Thème

  • Toutes les questions, jusqu’aux plus intimes, que se posent certains  jeunes hommes d’aujourd’hui  (ados en bande, livrés à eux même pour dire court), soucieux de leur image surtout, de leur avenir un peu et de leur virilité (beaucoup). Le sexe étant la plus grande question : techniquement, biologiquement,  sentimentalement et « méta-physiquement ».
  • Mais comment vivre coincés entre les objurgations de ses “darons“ et “daronnes“ et le désir lancinant provoqué par les tentations et provocations des corps de tous genres ?  Ce débat d’actualité trouve son exutoire dans la danse, la musique,  la bande, sinon le «  gang ». • Échanges et confrontations salvatrices, car elles amènent nos jeunes ados à la seule réponse qui fait sens : la tendresse, celle  qui nous émeut et nous transporte à la vue, dans le tableau final, d’un tout petit enfant embrassant sa peluche avec ferveur.                          
  • Le thème est brûlant, mais sans doute vieux comme le monde. Il devient ici puissant et obsessionnel grâce à  son traité et à son interprétation. Point  de philosophie, point d’analyse sociologique ou ethnique plus ou moins clivante. Non : juste des faits, des témoignages vivants, des émotions ressenties et partagées par le groupe, un cri, celui des corps souffrants, torturés de l’intérieur dans une clameur, un combat contre soi -même et l’autre partie de la masculinité, c’est-à-dire la féminité. Impossible de traduire ces émotions et cette dialectique à la fois violente et  poétique dans un langage trop littéraire. Il fallait le passage au Rap ou mieux au Hip Hop pour transmettre les enjeux de cette véritable tragédie moderne interprétée par huit jeunes d’origine et de culture différentes : Blancs et Noirs, Congo ou Picardie, homos ou “trans“,  « break » ou musique classique, voire opéra. La Tendresse casse les codes. • L’auteur, Julie Berès, s’explique : « Il y a un chœur dont émerge tour à tour les solistes. Nous avons pensé aux chœurs de la tragédie grecque parce qu’il y a une étrangeté dans la langue qui permet de dépasser l’anecdotique. »
  • Quant à nous, nous nous souviendrons surtout d’avoir assisté depuis notre fauteuil devant une scène mythique à un festival de rue, endiablé et bouleversant, où les murs tagués au fur et à mesure font plus que de la figuration et où le hip-hop tient le haut du pavé. Quelle émotion collective ! (standing ovation et guichets fermés)

Points forts

  • Thème profond et brûlant d’actualité, sujet de société passionnant et préoccupant entendu et vécu de « l’intérieur ». Un sujet de société bien réel : fracture générationnelle, thème qui fait écho à l’antagonisme supposé des sexes, l’emprise du patriarcat,  les conflits de genres et les faits supposés ou avérés de harcèlement. Les ravages  des réseaux sociaux, plate-forme de calomnies ou facilitateurs de dragues. La Tendresse est le deuxième volet du diptyque de l’auteur, dont le premier, Désobéir, était dédié à la cause féminine. Ici, nous tenterons d’assumer une masculinité apaisée !
  • Authenticité des « intervenants »
    Ils sont tellement vrais que l’on hésite à parler d’acteurs, et à la limite d’interprètes, tant ils sont de véritables témoins de leur temps. On salue leur spontanéité, leur osmose, leur complicité. Ils jouent leur propre pièce, leur propre tragédie commune, avec une trajectoire différente
  • Deux scènes particulièrement émouvantes ou spectaculaires parmi d’autres : la scène de la guerre  tout d’abord, au cours de laquelle la bande des huit se rue tout au début à l’assaut d’une tranchée (belle mise en scène, on plante le décor) et se fait décimer par une ou deux mitraillettes crépitantes. Les corps en battle dress s’écroulent, un à un, en évoquant tour à tour les souvenirs douloureux de leur jeunesse disparue. Cruelle métaphore : au nom de quoi ? Quel est mon avenir ? Suis-je un héros ?
    Le tableau final met en exergue le rôle de la tendresse. Les bienfaits de la paternité donneront  du sens à la vie de ces petits hommes. L’un deux déclare au sein du groupe dans une semi obscurité : « J’espère, mon enfant, que toute ta vie tu garderas cette tendresse  que tu portes à ton nounours maintenant ».
  • Et tout le temps, la performance des hip-hopers et, au-delà, la gestuelle, les numéros , parenthèses fugaces, des équilibristes ou de l’élève danseur-étoile de l’Opéra, si beau et si triste…

Quelques réserves

Aucune,  juste une précaution : à éviter pour les chastes oreilles. On parle beaucoup de pénétration ! C’est une obsession, c’en est presque un problème politique, en tout cas une question métaphysique (?), le spectacle est déconseillé par la production aux  moins de 15 ans ! Est-ce vraiment une question d’âge ?

Encore un mot...

Aux Bouffes du Nord, La Tendresse a trouvé son public. Plus qu’un spectacle vivant,  un festival de modernité exceptionnel, un choc culturel et émotionnel qui doit faire tomber nombre de barrières dans tous les milieux ; et en plus on rit parfois, beaucoup !

Une phrase

«  Il existe une sorte d’hommes toujours en avance sur ses excréments. » (René Char) 

L'auteur

  • Julie Berès est née en Afrique en 1972. Au lieu de‡ poursuivre des études de philosophie elle découvre la passion du théâtre au Festival d’Avignon, et aussi grâce à une rencontre avec Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Elle intègre le Conservatoire d’Art Dramatique de Paris, fonde alors sa propre troupe (2001), Les Cambrioleurs, et crée sa première pièce Poudre ! puis Ou le lapin me tuera et E muet. 
  • Julie Bérès traite des addictions avec Sous les visages (2008) et de la bioéthique avec Notre besoin de consolation (2010). En 2018, elle adapte un texte pour traiter le drame qui a affecté  Henrik Ibsen (Petit Eyolf), puis le réchauffement climatique avec Soleil Blanc (2018). Elle pratique l’élaboration collégiale de ses spectacles en associant  scénaristes, dramaturges, auteurs, traducteurs comme Kevin Keiss pour Désobéir ou La Tendresse, ou Alice Zeniter pour La Tendresse
  • Cette dernière a travaillé sur un Tartuffe, un Alceste d’Euripide, et Jouer avec Nicomède (à la Tempête). Elle écrit beaucoup ce qui lui vaut certaines distinctions comme le Prix Inter et le Prix des lecteurs de l’Express pour Sombre dimanche et également le prix Goncourt des Lycéens pour l’Art de perdre.

Commentaires

rodriguez
mer 03/04/2024 - 12:58

au lieu de la tendresse, vous auriez du l'appeler : mec, bite, couilles. par contre chorégraphie excellente, bravo a ces garcons

MICHELENA
mer 10/04/2024 - 11:28

UN SUPER SPECTACLE ! TEXTE TRES BIEN ECRIT. LES ARTISTES EXTRAORDINAIRES. UN GRAND BRAVO

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