L’amante anglaise

Du théâtre dans le texte, presque religieux dans son obsession de chercher à comprendre sans juger
De
Marguerite Duras
Durée : 2h10
Mise en scène
Jacques Osinski
Avec
Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens, Grégoire Oestermann
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Atelier
1 place Charles Dulin
75018
Paris
01 46 06 49 24

Thème

  • A l’origine du roman de Marguerite Duras, un fait divers : en 1949, Amélie Rabilloud a tué son mari tyrannique et dépecé son cadavre, jetant les différents morceaux un par un depuis un pont dans différents trains. Mais dans L’amante anglaise, le mari, Pierre Lannes, est bien vivant. La victime devient la cousine sourde et muette, Marie-Thérèse, que Claire Lannes assassine sans raison.

  • Nous sommes au théâtre, mais nous pourrions aussi bien être au tribunal, dans un confessionnal ou sur un plateau de télévision … si ce n’est qu’ici on essaye de comprendre les motivations de la meurtrière et le contexte de sa vie de couple.

  • Trois voix se font entendre : celle de l’interrogateur, de Claire Lannes et de Pierre Lannes. Le premier questionne successivement l’homme puis la femme. Les deux répondent, dessinant progressivement les contours de leurs personnalités, avec leurs vérités et leurs zones d’ombre …

Points forts

  • Du pur théâtre ! L’action ne prétend pas se dérouler ailleurs que sur scène. Pas de costume, pas de déplacement, pas de jeu, pas de décor, juste une chaise sur laquelle s’assoient successivement Pierre puis Claire Lannes … L’interrogateur (Frédéric Leidgens) est au milieu du public comme s’il était sa voix. Reste uniquement l’essence même du théâtre : le verbe, la prose de Duras …

  • Ces deux échanges - sous la forme d’interrogatoire avec le mari (Grégoire Oestermann) et sa femme (Sandrine Bonnaire) - dressent un portrait de chacun d’eux ainsi que l’état de leur relation. Lui semble perdu et désabusé, cherchant dans la salle un réconfort qui ne viendra pas. Elle, droite et déterminée avec son besoin d’exister en réclamant un peu d’attention.

  • Dans un théâtre muet et totalement concentré, la partition se joue avec une grande sobriété. C’est avec une grande économie de moyens, voire avec une certaine sévérité – telles que l’a voulu le metteur en scène Jacques Osinski – que les trois interprètes se prêtent humblement au jeu. Le texte est ainsi porté en majesté sur le devant de la scène et s’offre aux spectateurs avec force et précision.

Quelques réserves

  • Le terrain de jeu des acteurs se limite à un périmètre très restreint. 

  • La scansion durassienne finit par tomber dans une certaine forme de monotonie, malgré le talent des acteurs, et notamment un Frédéric Leidgens, capable de moduler ses interrogations avec une grande variété et une multiple diversité de tons.

Encore un mot...

  • L’amante anglaise est décidemment très courue, puisqu’elle est également au programme de la saison à l’Odéon – Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier en mars / avril. La pièce sera alors mise ne scène par Emile Charriot, avec Nicolas Bouchaud, Laurent Poitrenaux et Dominique Raymond.

Une phrase

  • Claire Lannes : « Moi, à votre place, j’écouterais. Ecoutez-moi … Je vous en supplie. »

L'auteur

  • Femme de lettres et cinéaste française, Marguerite Donnadieu, dite Duras, est née en 1914 près de Saïgon au Vietnam, alors Indochine française.

  • Figure majeure de la littérature du second XXe siècle, Marguerite Duras cultive dans son œuvre romanesque (Un barrage contre le PacifiqueModerato cantabileLe Ravissement de Lol V. SteinLe Vice-Consul…) et théâtrale (Des journées entières dans les arbresL’Amante anglaiseLa Musica…) une esthétique du mystère. Elle s'illustre également dans le cinéma comme scénariste (Hiroshima mon amour) et comme réalisatrice (India song, Le Camion…), un art qu'elle considère comme le « lieu idéal de la parole ».

  • En 1984, Marguerite Duras reçoit le prix Goncourt pour L’Amant, qui rencontre un immense succès et est adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud. Elle meurt à Paris en mars 1996, à l'âge de 81 ans.

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