Le bourgeois gentilhomme

N’est pas “homme de qualité” qui veut… et c’est tant mieux !
De
Molière
Mise en scène
Jérémie Lippmann
Avec
Jean-Louis Barcelona, Julien Boclé, Taylor Château, Michaël Cohen, Hugues Delamarlière, Eleonora Galasso, Audrey Langle, Joséphine Meunier, Joseph Olivennes, Florent Operto, Marie Parisot, Marie Parouty, Jean-Paul Rouve, Héloïse Vellard
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre Antoine
14, Bd de Strasbourg
75010
Paris
01 42 08 77 71
Jusqu’au 10 janvier 2026 Du mardi au samedi 21h et le samedi à 16h.

Thème

  • Monsieur Jourdain vient d’une “bonne bourgeoisie“ qui, de génération en génération, a fait fortune dans le négoce, et il a conclu un beau mariage avec Nicole, issue du même milieu que lui.

  • Mais Jourdain n’entend pas en rester là, ni à sa place : il prétend se faire « homme de qualité ». Pour mieux venir « hanter la noblesse », il entreprend de se familiariser avec ses usages, non seulement un maître d’armes pour l’estoc, mais aussi un philosophe, une danseuse et un maître de musique pour la culture, sans oublier une maîtresse pour faire bonne mesure. Le tout afin, espère-t-il, d’intégrer ce qui se donne pour l’élite de la société de son temps.

  • Monsieur Jourdain devient vite la dupe d’une petite société précieuse et empressée d’exploiter sa balourdise, au grand dam de sa femme, qui garde les pieds sur terre et la tête près du bonnet, et de sa fille Lucile, qui s’est éprise de Cléonte, roturier comme les Jourdain.

Points forts

  • A l’instar de la leçon du maître de Philosophie, magistralement administrée par Jean-Louis Barcelona, diverses scènes cardinales sont particulièrement réussies, ainsi l’essayage de monsieur Jourdain transformé en défilé de haute couture, le festin qu’il donne en l’honneur de Dorimène, ou encore l’arrivée du grand Mufti, remarquablement chorégraphiés par Tamara Fernando, ainsi que la (fausse) querelle croisée des amoureux. La mise en scène de Jérémie Lippmann, conçue au sein d’un décor semi-circulaire, permet une gestion optimisée de l’espace pour la circulation, le jeu ou les ballets.

  • Une distribution sans fausse note, où se distinguent notamment une Madame Jourdain impeccable et implacable (Marie Parouty), épaulée par Audrey Langle, une Nicole aussi désopilante que gouailleuse, au service de Lucile (Marie Parisot tout à la fois mutine, innocente et résolue). Ce trio féminin de choc peut compter sur un Covielle (Hugues Delamarlière) à l’aise en toutes circonstances, tout comme Joseph Olivennes l’est dans les différents personnages qu’il incarne (du Cléonte pleurnichard au maître de musique accablé, et au tailleur très hype, bien que dans ce dernier cas, son accent anglais rende une partie de son texte difficilement compréhensible). On n’oublie pas Eléonora Galasso, marquise aux allures de vamp’ ravageuse, ni Michaël Cohen en Dorante cupide, onctueux et flatteur à souhait.

  • Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, les coiffures et perruques (Catherine Saint Sever) sont à la hauteur des enjeux de la pièce, à savoir le ridicule dont se pare monsieur Jourdain et l’exigence de somptuosité qui préside à sa culminaison, avec la cérémonie de son intronisation en « Grand Mamamouchi ».

Quelques réserves

  • Nombre de spectateurs sont venus pour voir et applaudir (dès sa première apparition sur scène, merci pour les autres…) l’acteur Jean-Paul Rouve (Les Robins des bois, les Tuche, Nos jours heureux). Ce petit côté “vu sur les écrans“ a du bon s’il permet de remplir les salles de théâtre, ce qui est le cas ici, boulevard de Strasbourg, où elle était archi-comble. 

  • Mais la performance du héros (malgré lui ?) de la soirée, si elle semble proportionnée aux attentes du public, ne l’est peut-être pas au regard des exigences de la pièce : ce soir-là, il semblait un peu fatigué, par contraste avec le dynamisme des comédien-ne-s qui l’entouraient. Sa voix de gorge est peu variée dans les tons, et son interprétation mi de Funès / mi-chel Blanc (pour ainsi dire) reste en deça de l’énergie de l’un et de la subtilité de l’autre. Rien de déshonorant, certes, mais une petite pointe de déception tout de même.

Encore un mot...

  • En montrant une noblesse loin d’être toujours à son avantage, on peut se demander si Molière - raillant ceux qui, venus de plus bas et, se haussant du col, prétendent à la “haute société“ - ne jette pas un regard fort critique sur cette dernière, pas si reluisante que cela, en la personne d’un Dorante dispendieux, désargenté, et à la limite de l’aigrefin, par contraste avec la solide morale domestique d’une madame Jourdain.

  • Relevons enfin cette conception de la bourgeoisie – arriviste, mal dégrossie et peu cultivée – véhiculée par les milieux artistiques et littéraires (ainsi plus tard, chez Labiche pour le théâtre ou Flaubert pour la littérature), qui “collera à la peau“ de ce groupe social jusqu’à l’époque contemporaine, à entendre les paroles (et la musique) de Jacques Brel (« Les bourgeois, c’est comme les cochons »)… 

Une phrase

  • MONSIEUR JOURDAIN [à sa femme Nicole] : « Taisez-vous, impertinente. Vous vous fourrez toujours dans la conversation. J'ai du bien assez pour ma fille, je n'ai besoin que d'honneur, et je la veux faire marquise.
    MADAME JOURDAIN : Marquise ? 
    MONSIEUR JOURDAIN : Oui, marquise. 
    MADAME JOURDAIN : Hélas ! Dieu m'en garde ! 
    MONSIEUR JOURDAIN : C'est une chose que j'ai résolue.
    MADAME JOURDAIN : C'est une chose, moi, où je ne consentirai point. Les alliances avec plus grand que soi sont sujettes toujours à de fâcheux inconvénients. Je ne veux point qu'un gendre puisse à ma fille reprocher ses parents, et qu'elle ait des enfants qui aient honte de m'appeler leur grand-maman. S'il fallait qu'elle me vînt visiter en équipage de grand-Dame, et qu'elle manquât par mégarde à saluer quelqu'un du quartier, on ne manquerait pas aussitôt de dire cent sottises. "Voyez-vous, dirait-on, cette Madame la Marquise qui fait tant la glorieuse ? C'est la fille de Monsieur Jourdain, qui était trop heureuse, étant petite, de jouer à la Madame avec nous. Elle n'a pas toujours été si relevée que la voilà, et ses deux grands-pères vendaient du drap auprès de la porte Saint-Innocent. Ils ont amassé du bien à leurs enfants, qu'ils payent maintenant peut-être bien cher en l'autre monde, et l'on ne devient guère si riches à être honnêtes gens." Je ne veux point tous ces caquets, et je veux un homme, en un mot, qui m'ait obligation de ma fille, et, à qui je puisse dire : "Mettez-vous là, mon gendre, et dînez avec moi." 
    MONSIEUR JOURDAIN : Voilà bien les sentiments d'un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. Ne me répliquez pas davantage : ma fille sera marquise en dépit de tout le monde ; et si vous me mettez en colère, je la ferai duchesse ! »

L'auteur

  • Molière (1622-1673) est un auteur majeur de comédies et de farces. D’abord en province puis à Paris, il a monté et joué ses pièces avec le soutien de Louis XIV, en particulier quand il s’est attaqué aux faux dévots, comme dans Dom Juan et surtout Tartuffe. On lui doit également des farces comme Les Fourberies de Scapin ou Les Amants magnifiques

  • Le Bourgeois Gentilhomme, à l’instar des Femmes savantes ou du Malade Imaginaire, fait partie de son répertoire satirique, qui prend pour cibles les travers de son époque.

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