
Mamie Luger
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Thème
A 102 ans, Berthe, une petite mamie apparemment sans histoire, se retrouve au poste pour avoir tiré non seulement dans le postérieur de son voisin, un avocat réputé, mais aussi accueilli à coups de calibre.12 les forces de police venues l’arrêter !
Le capitaine Ventura, qui l’interroge, ne s’attendait pas à des confessions aussi carabinées...
Points forts
Dans ce tête-à-tête en forme de huis clos, la qualité d’interprétation des comédiens est essentielle. La pièce est rodée et le contrat parfaitement rempli : face au chevronné Antoine Herbez, il faut du répondant, et la comédienne (mais aussi autrice et metteuse en scène) Josiane Carle, n’en manque pas, avec son bagout et un abattage étonnants. Avec elle, le personnage de Berthe, c’est une sorte de Jean Gabin dans un physique à la Pauline Carton.
Dès le début, le récit de la vie de Berthe Gavignolle nous captive, puisqu’élevée par Nana, sa grand-mère qui se prostitue durant la Première Guerre mondiale pour faire bouillir la marmite, la petite Berthe dispose d’un modèle et d’une référence singulières, dont elle n’oubliera jamais l’appétit d’émancipation et la défiance teintée de lucidité envers la gente masculine.
Le jeu de piste et de cache-cache auquel Berthe se livre avec le capitaine Ventura - qu’elle asticote en s’obstinant à le prénommer « Lino » - a quelque chose de cocasse, en dépit de la tonalité générale dramatique de la pièce.
L’idée de faire tourner l’intrigue autour de la détention et de l’utilisation d’un pistolet Luger Parabellum datant de la Seconde Guerre mondiale donne un fil rouge, du rythme et de la cohérence au récit.
Quelques réserves
La volonté de concentrer sur la vie de Berthe la plupart des abus subis par les femmes hier (comme aujourd’hui) peut donner l’impression, par son exhaustivité, d’un catalogue d’atteintes se succédant les unes aux autres au fil d’une seule vie.
Quelques incohérences de récit prêtent à sourire, ainsi lorsque le solide capitaine Ventura, assommé par Berthe, sera transporté hors du domicile d’icelle par cette vieille dame de 102 ans, décidément fort gaillarde !
Encore un mot...
- Au-delà du récit d’une vie, c’est la condition des femmes (et des hommes de couleur) au XXe siècle qui est ici mise en lumière, avec son cortège de violences auxquelles le droit ne peut, ne sait ou peut-être ne songe même pas à rendre justice.
Une phrase
• Berthe [au capitaine Ventura] :
- « On voit que t’as pas fait la guerre, Lino ! […] Tu m’fatigues avec ta loi ! »
- « Il a déboulé les escaliers, sa tête a heurté l’alambic de Nana. J’ai pris la pelle et j’ai creusé… »
- « J’te dis pas ça pour la pitié, mais pour la justice. »
- [à propos des écrivaines féministes] : « Elles avaient des mots, moi j’avais des cartouches. »
- [aphorismes de Nana à sa petite-fille à propos des hommes] : « Ils te voudront soumise. Et si tu te laisses faire, t’es perdue ! »
L'auteur
Benoit Philippon, d’abord scénariste en collaboration avec Alexandre Heboyan, devient réalisateur dès Lullaby for Pi (2010).
Il a écrit une demi-douzaine de romans, dans des genres divers, de Cabossé (Gallimard, 2016) à Papi Mariole (Albin Michel, 2024).
Son deuxième roman, Mamie Luger (2018), est découvert par Josiane Carle, qui a tenu à l’adapter avec Carole Chevrier et à interpréter le personnage de Berthe.
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