Notre-Dame de Paris, reine de douleur, reine de victoire

Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ? (Paul Valéry)
De
S. Tesson (Les Voyages à Notre-Dame, éditions Equateurs)
Avec
Lus en alternance par Christophe Barbier, Samuel Labarthe, François Marthouret, Claude Aufaure
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre de Poche Montparnasse
75 bd du Montparnasse
75006
Paris
01 45 44 50 21
Du 12 novembre au 31 décembre, du mardi au samedi à 21h (débats avec Sylvain Tesson les 3, 5, 10, 1, 18, 19 décembre 2024)

Thème

  • Le 15 avril 2019, la flèche de Notre-Dame de Paris s’effondrait pendant que la charpente s’embrasait. La pierre est restée, mais le bois, « la forêt » - comme on dit pour désigner l’enchevêtrement de poutres constituant la charpente – s’est envolé. 

  • Cinq ans après, Christophe Barbier lit les textes que Sylvain Tesson écrivit sur le lien très fort qui l’unit à la cathédrale,  à une communauté d’artisans et au  monde de l’écriture, l’équipage des éditions Equateurs et Flammarion en tête, qui participent à la production de ce livre contre l’effroi, et contribuent donc à la restauration du « Vaisseau de pierres ». Les libraires se sont mobilisés aussi pour que vivent ces très beaux textes de Sylvain Tesson. Les bénéfices de la vente de l’ouvrage imprimé seront reversés à la restauration de la cathédrale. Sylvain Tesson raconte, par la voix de Christophe Barbier, trois épisodes de sa vie qui ont accompagné sa relation, très exactement son vécu, avec Notre-Dame.

  • Le premier épisode raconte ses escalades sur les monuments gothiques, en compagnie d’amis fantasques, et Tesson déclare « Nous  touchions les mystères alchimiques et les traités mathématiques gothiques ». Mais surtout, ils escaladaient, tous ensemble, encore adolescents, les façades en creux, les gargouilles et les toits des monuments.  

  • Sylvain Tesson, fou d’escalade, le confirme dans un deuxième texte, dans lequel il raconte comment la cathédrale l’a sauvé : en effet, après  une très grave chute de 10 m en escaladant une maison à Chamonix, il  allait se ressourcer dans la beauté de Notre-Dame, gravissant les escaliers sans détour pour commencer sa rééducation ; « Notre-Dame m’avait relevé, moi qui m’amusait jadis sur ses gargouilles. »

  • Le  troisième texte est écrit justement pendant la nuit du bûcher, et c’est une déclaration d’amour à la blanche Dame ainsi que l’aveu de sa conversion. Sylvain Tesson déclare qu’il croit plus que jamais depuis le démarrage du brasier à la chance qu’a la France d’être une fille chrétienne : « Je n’irai plus gaudrioler sur les toits des églises à présent. Les mécréants de mon type doivent pousser leurs portes et s’avancer sous les voûtes et ceci, même si le ciel est vide. Il est heureux que des hommes aient inventé cette religion plus lumineuse que les autres. »

Points forts

  • L’immense poésie qui émane de ces textes vivants, « héroïques », quasi mystiques sinon inspirés - écrits par Sylvain Tesson. Une poésie prosaïque, mais en même temps religieuse à la gloire de ces “compagnons du devoir“ ayant participé à l’élévation de ce monument gothique dédiée à la Vierge Marie. 

  • Comme ceux qui ont eu ou auront la chance d’assister (voire de participer) à un débat entre Sylvain Tesson et un brillant meneur de jeu comme Christophe Barbier ou encore l’admirable Samuel Labarthe, nous avons été captivés par le vibrant plaidoyer en faveur de Viollet-le-Duc, si souvent controversé. Fallait-il refaire une flèche à l’identique, saluant l’inspiration de Viollet-le-Duc, ou bien marquer de sa patte l’événement du siècle…et l’époque que nous vivons ? La question a été tranchée dans le sens souhaité par l’auteur, contrairement à la position défendue par Christophe Barbier. Débat à armes inégales, intéressant parmi beaucoup d’autres. 

  • L’évocation de la période héroïque intitulée « Les escalades. » Au milieu des années 1980, le médecin photographe Éric Girard rencontre Sylvain Tesson « perché sur les flancs la cathédrale. » Ensemble ils escaladent la flèche, mais avant lors de l’ascension il avait fallu trouver le passage, de voussures en trumeau détecter dans la pénombre les lignes de force de la cathédrale, arcs-boutants et contreforts comme on cherche les lignes de faiblesse, fissures et failles,  sur les parois de granit. Et Tesson de  nous décrire ses églises et monuments préférés de toute la France voire d’Europe : Reims, Amiens Senlis, Meaux, Argentan, le Mont Saint Michel ou la tour Eiffel.
    A chaque fois,  c’est une  découverte, car « Grimper sur le dos d’une cathédrale, c’est s’avancer dans une contrée un peu incognita »!

  • La puissance du verbe de Sylvain Tesson, émaillé de réflexions et références philosophiques ou encore de métaphores géo-morphologiques  comme cette confidence du héros : « J’avais été affligé d’une paralysie faciale, mon visage avait subi un glissement de terrain » !

  • Une philosophie de stoïcien comme dirait Epictète : 

    • « Non, tout ne varie pas sur cette terre, tout n’est pas destiné à circuler frénétiquement à sa surface » ;

    • « “Le monde tourne, la croix demeure“, telle était la devise des pères Chartreux » citée ici par Sylvain Tesson qui renchérit opportunément : « Il faut des radeaux quand les eaux montent », une belle phrase qui tombe à pic… sur les bords de la Seine. L’intrépide escaladeur conclut ainsi : « et on se disait que Péguy avait raison : “La flèche ne peut faillir“ ». 

Quelques réserves

  • Encore sous le charme de ce conte bien réel, mais aussi sous le choc des images du brasier et de l’effroi que nous avons ressenti à ce moment-là et dont nous sommes encore imprégnés, nous n’en vîmes aucune.

Encore un mot...

  • A certains endroits de sa réflexion, l’auteur grossit le trait : la cathédrale ne s’écroula pas, le monde entier se mit à pleurer devant les décombres, des jeunes vinrent chanter sur le parvis, d’autres se souvinrent que « la vocation de l’homme n’était pas de couvrir les allées des supermarchés. »

  • Sylvain Tesson observe et se désole : les Trissotins modernes ne veulent pas croire à ce qu’ils appellent des sorcelleries, et voulaient rouvrir Notre-Dame très vite pour accueillir les autocars de la diversité touristique stationnant place Saint-Michel et attendant de faire des selfies devant la cathédrale.

  • “Suivez la flèche“ ordonnaient les tour-operators, or « la chape qui recouvre le mystère est toujours là. Elle est épaisse, consolidée par le matérialisme commercial et le fétichisme technoïde. Mais la source coule toujours ! »  Non, Notre- Dame n’est pas un musée, c’est une église et l’incarnation calcaire du Verbe !

Une phrase

  • « Le miracle des cathédrales réside dans la poussée des forces, un système de compression des façades. Arcs-boutants, contreforts et pilastres empêchent l’accrétion. Sans eux le fruit s’ouvrirait. Les flèches jaillissent en geyser résultant de cette contention. Elles sont la résolution de l’équation de poussée. » (Tesson architecte) 

  • Comme Péguy, Tesson séjourne « sous le commandement des tours de Notre-Dame », entre les églises Saint-Séverin et Saint-Julien-le-Pauvre : « Je marchais précautionneusement à travers le square Saint-Julien-le-Pauvre, j’étais devenu un vieux monsieur, j’avais pris 50 ans en 10 mètres (cinq mois auparavant j’étais tombé sur mon ombre, mon corps était déchu). J’avais enfin réussi à rythmer mes journées  d’une promenade à heure fixe ; je me conformais en cela au principe de Kant, j’imitais sa pratique de vie à défaut de savoir philosopher. Heine raconte que le philosophe allemand, chaque jour à la même heure, marchait le long d’un trajet immuable. Kant enseignait par-là que les rendez-vous avec des habitudes innocentes fécondent la vie » (Tesson poète et philosophe)    

L'auteur

  • Sylvain Tesson est né à Paris en 1972. Très vite, il mène une double vie consacrée à l’aventure et à la littérature, reliant toujours les deux. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages - essais, récits,  recueils de nouvelles, critiques – comme par exemple Dans les forêts de Sibérie (2011, prix Médicis essai), Une vie à coucher dehors (2009prix Goncourt de la nouvelle), la Panthère des neiges (2019, prix Renaudot), tous publiés  chez Gallimard.

  • Certains textes ont été adaptés au cinéma - Sur les  chemins noirs, avec Jean Dujardin - et au théâtre : Dans les forêts de Sibérie joué au théâtre de Poche. Sylvain Tesson est  un fidèle  du Poche. Il intervient souvent à l’occasion de conférences thématiques. Ce risque-tout de l’escalade et de la littérature de l’aventure est le fils de Philippe Tesson.

  • Culture-Tops a chroniqué diverses œuvres de Sylvain Tesson :

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