Pinocchio créature

La femme et le pantin se rebiffent
De
D’après Carlo Collodi (adaptation: Sophie Bricaire)
Mise en scène
Sophie Bricaire
Avec
Avec la troupe de la Comédie-Française : Alain Lenglet, Francoise Gillard, Elissa Alloula, Claïna Claveron, Thierry Godard
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Comédie Française / Studio-théâtre
99, rue de Rivoli
75001
Paris
01 44 58 15 15
Du 22 mai au 29 juin 2025 à 18h30 - sauf lundi et mardi

Thème

  • Gepetto est un vieil artisan très pauvre qui se désole de n’avoir pas eu d’enfants. Mais ses mains font des miracles, et il se console en créant un jour dans son atelier un pantin de bois. Ainsi naît Pinocchio,  qui va prendre vie. À peine animé, le petit Pinocchio (interprété ici par une comédienne) se lance dans le tourbillon de la vie. 

  • Ici, Pinocchio est donc une jeune fille qui, consciente des efforts que Gepetto a consentis pour elle, quitte pourtant le chemin de l’école pour celui du théâtre, où le pantin rencontre Mangefeu, un terrible marionnettiste. Attendri par l’enfant et la misère de son père, celui-ci lui offre cinq pièces d’or géantes.  Mais Pinocchio va tomber sur deux escrocs, le Renard et le Chat, qui lui soutirent son argent. A travers un parcours semé d’embûches et en refusant tous les conseils et toutes les instructions qu’on lui donne, Pinocchio s’en va pour suivre son propre chemin, se découvrir par elle-même, pour enfin  choisir de revenir à Gepetto. La figure paternelle ne sera dès lors plus imposée mais désirée.

  • Par rapport à l’imaginaire commun et à l’adaptation des studios Walt Disney en 1940, l’adaptation du roman de Collodi s’adresse ici à tous les publics. Le personnage de Gepetto est plus bienveillant tandis que Pinocchio gardera un petit côté « sale garnement » et impertinent. Gepetto est humain, sa douleur est poignante. Il apprend ce qu’est un enfant et quel espace de liberté il doit lui donner pour lui permettre d’exister dans son propre monde, pour s’affranchir des fils par lesquels il cherche à le guider sinon à le retenir. La quête de l’argent est ici primordiale comme marqueur social, et va  être à l’origine des aventures de Pinocchio.

Points forts

  • La mise en scène de Sophie Bricaire nous plonge dans un environnement joyeux et “pop“, sans éluder la part sombre du conte. Il fallait aussi représenter en un temps record la succession de scènes différentes : d’abord dans l’atelier même de Gepetto puis au théâtre,  puis encore dans une auberge et enfin dans une forêt, passant de la prison au pays des jouets.

  • Au lieu de représenter les espaces de manière figurative, les adaptateurs ont choisi une évocation parfois poétique, efficace, émouvante et dynamique : une succession de mobiles nous sautent littéralement à la figure évoquant tout à la fois le pantin, le jeu, les jouets et la magie d’une bonne fée, en y ajoutant des perruques de juge, des ballons et des têtes d’animaux.

  • Le rideau de théâtre met en scène les marionnettes et un tas de grandes pièces en guise de trône pour Mangefeu.  Aucun fil n’apparaît et le pantin se meut seul, sans mécanique, du moins apparente. Celle-ci  est bien cachée jusqu’à ce que … Effet de surprise très réussi !

  • Pinocchio créature est devenu un véritable spectacle à costumes, à l’instar de la métaphore du costume-armature de Pinocchio qui figure un corps empêché, comme emprisonné et surprotégé. A la fin du spectacle, Gepetto ayant tout retiré signifie à Pinocchio – qui, rappelons-le, est ici une demoiselle – sa complète liberté. Sur un plan technique c’est une belle réalisation.

Quelques réserves

  • Une technique trop huilée risque de  tuer la poésie.  La magie mécanique est perceptible, mais le charme, comme les fils du Gepetto de notre enfance, tend à se rompre. Nous avions de la tendresse pour l’enfant Pinocchio, nous n’éprouvons pas autant d’amour pour cette jeune et rebelle Pinocchio. • D’ailleurs, le metteur en scène  déclare lui-même que son  Pinocchio illustre davantage un conflit de générations, un appel à la liberté « sociale » plutôt que le drame personnel d’un vieillard sans descendance .

  • De même pourra-t’on contester cette démarche moralisatrice et/ou politique traitant de l’éducation moderne, qui semble se satisfaire du laxisme actuel de certains parents. Ordre ou liberté ? L’éternel débat résonne avec acuité à nos oreilles, mais est-ce bien le lieu ?

Encore un mot...

  • Une question demeure : la metteuse en scène Sophie Bricaire a-t-elle eu raison de vouloir à tout prix toucher tous les publics, autrement dit dépasser la question du genre et de l’identité sociale, en mettant l’accent sur  la part d’enfance que les adultes conservent en eux ?

  • En effet, il y a le risque de perdre en émotion  « parentale » et en poésie ce qu’elle pense gagner en implication sociale, par la mise en avant de la cruauté véhiculée par les rapports sociaux. C’est à la mode !

Une phrase

  • Gepetto : « Et toi alors ? 

    - Pinocchio : Quoi moi ? Moi je suis là, c’est mon histoire aussi !
    - Gepetto : C’est ton histoire aussi, c’est vrai.  Nous sommes une seule et même histoire. Mais pour le moment, tu n’es pas encore là. [Il pointe son esprit], juste là [Il pointe son cœur]. Et là. Mais là, tout de suite, tu vas par là… [Il montre la coulisse]. Allez, ne désobéis pas déjà. Tu ne peux pas désobéir avant même d’advenir.
    - Pinocchio : Et toi, tu ne peux pas me définir avant même que j’advienne.
    - Gepetto : Tu as raison, c’est d’accord. Je tâcherais d’y penser.
    - Pinocchio : Alors à plus !
    - Gepetto : Alors à plus… »

L'auteur

  • Carlo Lorenzini dit Collodi (1826-1890) naît à Collodi, en Toscane. Il est l’aîné de neuf frères et sœurs et se prépare à entrer au séminaire, mais il renonce bientôt et se jette dans la bataille de l’indépendance de l’Italie pour se libérer de la tutelle autrichienne.

  • Rentré du front, il fonde un journal Il lampione bientôt fermé par la censure. Collodi est nommé secrétaire du gouvernement provisoire toscan et lance un nouveau journal en 1853 La Scaramuccia. Il entre en politique mais en sort vite, déçu. Finalement il délaisse le journalisme et accepte pour rembourser ses dettes de jeu la proposition de l’éditeur Félice Paggi : traduire plusieurs contes de Perrault, de Madame Leprince de Beaumont et de Madame d’Aulnoy. 

  • Il réussit aussi très bien dans la création et l’édition de manuels scolaires didactiques, dans lesquels les concepts inculqués sont subtilement introduits par les aventures des personnages. Son talent d’écrivain est enfin reconnu mais ce n’est qu’en 1882, à plus de 55 ans, qu’il se lance dans la publication des 36 chapitres publiés sous le titre Le Avventure di Pinocchio, consacrés bientôt comme le chef-d’œuvre de la littérature pour enfants. Il meurt à 64 ans d’une crise cardiaque.

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