Rêve et folie

Du très bon théâtre intello
De
Georg Trakl
Mise en scène
Claude Regy
Avec
Yann Boudaud
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre Nanterre-Amandiers
7, avenue Pablo Picasso
92000
Nanterre
0146147000
Jusqu'au 21 octobre: du mardi au vendredi 20h30, sam 18h30, dim 16h

Thème

Trakl explore les limites, celle entre la vie et la mort, le jour et la nuit, la présence du corps et son absence. L’obscurité est naturellement ce qui entoure les mots de Trakl : exploration de la folie et de la frontière avec le rêve. 

Seul en scène, Yann Boudaud danse avec les mots de Georg Trakl, comme un géant buto, un ogre dont la stature est nécessaire pour affronter les vers crépusculaires du poète.

Points forts


-     Un dispositif scénique viscéral. Avant même d’entrer dans la petite salle, le public est prié de respecter le silence, sans lequel le spectacle ne commencera pas. C’est donc dans le noir, sans un bruit, quand la communion est enfin possible, que Yann Boudaud peut apparaître. La lumière le dessine, très lentement, au gré de persistances rétiniennes qui agissent comme des hallucinations pour le spectateur. Le corps se matérialise dans la semi obscurité, un colosse dont le visage, la bouche grande ouverte, lâche les mots. Régy utilise des LED dont la source est invisible. La lumière jaillit de l’acteur, qui devient phosphorescent, tel un hologramme à la fois présent et absent. Une sorte de clown menaçant ou implorant, parfois tortue géante qui porte le poids du monde. Le texte peut alors agir comme la lumière, et venir se graver dans le subconscient, passant la barrière de la compréhension directe. Pour Claude Régy c’est « la capacité d’approcher l’incompréhensible par d’autres moyens (…) Moins on éclaire, moins on explique, et plus on ouvre des territoires où l'imaginaire peut se développer en toute liberté. » 
 
-       L’expérience est totale, Régy parle de « travail commun » pour l’auteur, l’acteur et le public. Effectivement on flotte, comme sous l’emprise d’une drogue, en transe avec celle de l’acteur. Et le son agit dans ce sens. On voyage dans l’inconscient à la fois de l’auteur et du texte, du metteur en scène et du nôtre, l’inconscient collectif.

Quelques réserves

Je n’en vois pas. La performance put paraître longue, 50 minutes ce n’est pas excessif non plus…

Encore un mot...

« Rêve et folie », est encore une fois la manifestation de l’engagement total de Caude Régy. Son théâtre est absolu, et à l’heure où la plupart usent de mille artifices vidéo, accessoires, décors, Régy perpétue sa quête de l’essentiel. 

On sort des Amandiers sous l’emprise des sensations ressenties pendant le spectacle.

Une phrase

« Les étoiles s’allumaient sur sa détresse ». Georg Trakl

L'auteur

Georg Trakl, l'auteur, commence à publier à 21 ans et meurt à 27 ans. Drogué, alcoolique, incestueux, traversé par la folie, obsédé d’autodestruction, imprégné de christianisme – père protestant, mère catholique –, né en 1887 à Salzbourg, il s’engage – en rupture d’études – comme pharmacien militaire en 1910. Il a 23 ans. En six ans d’écriture, Trakl crée une œuvre. Trakl et Rimbaud, même précocité du génie. Laconique et intense, Trakl utilise la force de rapprochements inconciliables. Soucieux des rythmes et des sons, attentif au silence, il ouvre en nous des espaces intérieurs : on entre dans un mode de perception au-delà de la pure intelligibilité.

Le metteur en scène, Claude Régy, né à Nîmes en 1923, est un metteur en scène français majeur. Très vite, il s’éloigne du réalisme et du naturalisme psychologiques, autant qu’il renonce à la simplification du théâtre dit « politique ». Aux antipodes du divertissement, il choisit de s’aventurer vers d’autres espaces de représentation, d’autres espaces de vie : des espaces perdus. Ce sont des écritures contemporaines qui le guident vers des expériences limites où s’effondrent les certitudes sur la nature du réel. Il métamorphose le jeu de l’acteur, créant une partition minimaliste entre la lumière, le texte, le décor, les corps et les silences. Il ne s’agit pas d’incarner un personnage, il réinvente une diction toute particulière, les mots sont entrecoupés de respirations, le rythme est propre au metteur en scène. Il s’agit d ‘exacerber la perception du spectateur, souvent par une absence de lumière.

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