
Richard III
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Thème
Dans l’Angleterre de la fin du XVeme siècle, les York ont remporté la guerre des Deux-Roses, triomphant des Lancastre. Édouard IV règne, mais son frère cadet, Richard, duc de Gloucester, boiteux et contrefait, a soif de pouvoir. Il se rêve roi d’Angleterre, alors que plusieurs degrés dans l’ordre de succession le séparent de la couronne.
Richard va donc éliminer ou faire éliminer tous ceux qui, membres de sa famille et proches, adversaires politiques ou alliés, menacent ses prétentions au trône. Impitoyable, il sème la terreur et l’effroi, n’épargnant ni les femmes ni les enfants.
Points forts
Un texte gothique, débordant, poétique et cruel, dont la beauté même est comme la démonstration de ce que peut la puissance séductrice du langage. Car l’inexorable ascension du tyran se fait sans armée ni déploiement de force, elle doit tout à la force du verbe, aux charmes de la rouerie, à son talent de comédien.
Cet archétype du Mal qu’est Richard transfigure un corps bancal qui ne peut faire naître l’amour, en usant de tous les artifices de la parole, maniant menaces et prières, insultes et douceurs. La malédiction qui l’a fait naître cadet et bancal le pousse à aller au-delà du bien et du mal, le pouvoir n’étant qu’un moyen de se venger de sa difformité.
Le presque noir et blanc de la mise en scène, très beau et magnifié par l’éclairage, encadre parfaitement les débordements sanglants de l’ambitieux démon.
Quelques réserves
Tout commence ici dans les cris, et c’est bien dommage : Richard vocifère, tonitrue, éructe, brouillant les mots, parasitant les phrases de Shakespeare et flouant le spectateur d’une partie de la beauté du texte. L’homme est sombre, cela doit-il faire de lui un agité ? On peine à croire, au début au moins, à ce personnage grimaçant à l’expressivité caricaturale, dépourvu de véritable intensité, et digne du Joker de Batman. Mesguich est bien meilleur quand il est séducteur et mielleux, témoignant de ce qu’une forme à la fois plus sobre et plus expressive est mille fois plus convaincante.
Les costumes, certains très vaguement élisabéthains, sont hybridés d’une factice modernité. Alice Cooper y tutoie Oscar Wilde. Les énormes perruques des dames, leurs robes à pseudo crinoline, l’étrange petit chapeau d’Hastings, tout ce qui surjoue la théâtralité sonne faux et fait presque sourire.
Encore un mot...
Avec cette tragédie familiale digne des Atrides, Shakespeare fait du dernier souverain de la dynastie des Plantagenêt la pure incarnation de l’hubris. Dévoré par la hantise de la trahison et la soif de pouvoir, méprisant hommes et femmes, Richard est maléfique. Mais la pièce montre aussi ce que cette folie, qui littéralement l’aliène, doit à son incapacité à vivre dans le monde des humains, celui de l’amour et de l’amitié, du cours pacifique des jours. Difforme, Richard ne peut être qu’un combattant et/ou un roi, il doit conquérir par la force ce que le destin lui refuse.
Forgeant la légende noire d’un roi sanguinaire et tyrannique, la pièce doit beaucoup au récit élaboré par les Tudor qui ont succédé aux York et aux Lancastre, ainsi qu’à l’ouvrage de Thomas More, Histoire du roi Richard III publié en 1557, qui faisait du roi l’assassin de ses neveux, alors enfants. Or, rien ne permet d'affirmer que Richard ait joué un quelconque rôle dans la brouille de ses deux frères aînés, ni même qu’il ait été pour quelque chose dans la mort de ses neveux. Après plus de cinq siècles de spéculation, la question n’est toujours pas close, et il se trouve encore des « ricardiens » pour défendre la mémoire de Richard III et l’exonérer de ce double meurtre.
Une phrase
- Richard III : « Voici l’hiver de notre déplaisir changé en glorieux été par ce fils d’York ; voici tous les nuages qui pesaient sur notre maison ensevelis dans le sein profond de l’océan ! […] Mais moi qui ne suis pas formé pour ces folâtres jeux, ni fait pour courtiser un amoureux miroir, moi qui suis marqué au sceau de la rudesse et n’ai pas la majesté de l’amour pour m’aller pavaner devant une impudique nymphe minaudière, moi qui suis tronqué de noble proportion, floué d’attraits par la trompeuse nature, difforme, inachevé, dépêché avant terme dans ce monde, haletant, à peine à moitié fait, si boiteux et si laid que les chiens aboient quand je les croise ! Eh bien moi, dans ce temps de paix, alangui à la voix de fausset, je n’ai d’autre plaisir, pour passer le temps que d’épier mon ombre au soleil et de fredonner des variations sur ma propre difformité. Et donc si je ne puis être l’amant qui charmera ces temps beaux parleurs, je suis déterminé à être un scélérat et à haïr les frivoles plaisirs de ces jours. »
L'auteur
Oeuvre de jeunesse écrite en 1593, Richard III est le dernier volet de la première tétralogie de Shakespeare, venant clore les trois parties d'Henri VI. La pièce assoit définitivement la figure d’un tyran monstrueux et machiavélique, qui se décrit lui-même comme « rusé, fourbe et traître » et « déterminé à être un scélérat. »
Monument de la tragédie, Richard III a été incarné au cinéma par Laurence Olivier et Al Pacino (Looking for Richard 1996), et la pièce est très régulièrement à l'affiche au théâtre.
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