Vernon Subutex
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Thème
Ancien disquaire réduit à la faillite par le succès des CD, Vernon a 45 ans et le sentiment profond d’appartenir à une autre époque. Après une ultime rencontre assez floue avec son ancien complice, Alex Bleach, rock star qui lui fait des confidences et se filme afin qu’une trace demeure, Vernon est expulsé de chez lui. C’est qu’Alex est mort brusquement et ne paye plus son loyer.
Commence alors pour Vernon l’errance des sans-abris : il nomadise d’abord d’ami.e en ami.e, s’invite parfois dans de grands appartements d’un luxe inoui où il joue les DJ, puis échoue dans la rue, à la recherche des emplacements idéaux pour faire la manche.
Il croise une foule de personnalités diverses, des plus mondaines et intégrées - fut-ce dans le monde chic de la culture underground - aux plus marginalisées socialement, sans jamais se plaindre, sans même paraître vraiment intéressé par ce qui lui arrive.
Mais Vernon possède un trésor, les cassettes des confidences enregistrées par Alex, ce qui lui vaut d’être rapidement le centre d’attentions nombreuses et intéressées à des titres divers.
Points forts
La prose de Despentes tient, où et quelle que soit la façon dont on la donne à lire ou à entendre. Dense, furieuse, brutale, crue, intelligente et exempte de tout manichéisme, elle distille une poésie mélancolique sans jamais renoncer ni à la satire sociale ni à la dénonciation politique.
- L’extraordinaire scène où Vernon, halluciné croit entendre depuis son banc un duo entre Jimi Hendrix et Janis Joplin, et où Pauline Méreuze donne une interprétation personnelle et merveilleuse de Summertime est un moment clé du spectacle. L’accompagnement musical est d’ailleurs tout à fait réussi.
Quelques réserves
Est-ce un effet de la générale de presse ? Il manque quelque chose (mais quoi ?) pour que le spectateur se sente vraiment concerné. On reste un peu extérieur à cette synthèse certes très incarnée mais sans doute trop elliptique, comme si le récitatif assumé de la mise en scène nous plaçait doublement en situation de spectateur.
La musique, sans doute mal réglée encore lors de la générale, couvrait les voix dans les premières scènes, obligeant les comédiennes à crier, et entamant ainsi la densité dramaturgique.
Encore un mot...
Le rock, la vie d’avant, la fin d’une époque qui est aussi le vieillissement d’une génération, les fêtes et la drogue : il y a tout cela dans Vernon Subutex, dernier témoin d’un monde disparu.
Et bien plus encore : une traversée hallucinée des milieux les plus divers, l’autopsie de la France des années 1990-2015 frappée par la pauvreté et l’exclusion. Un texte balzacien en somme !
Une phrase
« Souviens-toi, Vernon, on entrait dans le rock comme on entre dans une cathédrale, et c'était un vaisseau spatial cette histoire. »
« Lutter contre le froid était devenu une activité à part entière. »
- Olga : « Nous on est des repoussoirs. Il faut que les gens nous voient pour qu’ils se souviennent de toujours obéir. »
L'auteur
Les plus de 40 ans n’ont pas oublié la commotion culturelle provoquée par la sortie de Baise-moi, premier roman de l’écrivaine en 1994 et les plus intéressé.es par la réflexion féministe King Kong Theory, publié en 2006 et également adapté au théâtre.
Depuis, Virginie Despentes s’est tournée vers le théâtre, puisqu’elle est désormais artiste associée au Théâtre du Nord, où elle crée en 2024 sa première mise en scène, WOKE, avant de créer Romancero Queer au théâtre de La Colline au printemps 25.
- Un Vernon Subutex mis en scène par Thomas Ostermeier, en allemand et surtitré en français, a été donné à l’Odéon en juin 2025 (https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/theatre/romancero-queer), et tout laisse à penser que la carrière théâtrale du personnage, qui a déjà fait l’objet d’une série (https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/series-tv/vernon-subutex) n’est pas terminée.
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