Briller

Splendeur et destin des bijoux de la maison Chaumet. Un éblouissement !
De
Laurence Cossé
Gallimard
Publication le 2 février 2025
351 pages
22€
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

A partir des archives de la maison Chaumet, Laurence Cossé fait revivre des figures brillantes de l’Empire à nos jours dans un jeu de récits aussi documentés que romanesques.

La maison Chaumet a pratiqué avec talent, et même au-delà, l’art de la joaillerie afin de satisfaire ceux qui voulaient afficher leur puissance, montrer leur statut social (parfois récent), prouver leur attachement à une personne très chère (aux deux sens du mot !) ou réaliser des pièces nombreuses et magnifiques pour les insatiables de bijoux. 

Points forts

  •  L’histoire de la maison Chaumet depuis la fin du 18ème siècle jusqu’à nos jours: transmettre aux meilleurs.
    En 1790, malgré les troubles de cette époque, et conscients de l’intérêt pour l’Etat de la valeur que représentent les bijoux de la couronne et les gemmes, les autorités révolutionnaires chargent le joaillier Marie-Etienne Nitot de les expertiser. La qualité de son rapport le conduit à être nommé à la commission temporaire des Arts dans la section Histoire naturelle. En 1801 Bonaparte reçoit une épée de parade pour « les solennités » et il demande que le Régent, diamant du trésor royal acheté par Philippe d’Orléans, y soit installé. Dès lors Bonaparte et sa famille prennent goût au faste, lui-même les veut décorés et rutilants donc puissants… Nitot devient le fournisseur des Bonaparte créant des bijoux somptueux pour Napoléon et Joséphine, son insatiable première  épouse, et tous ses proches. Puis il participe à la magnificence de la nouvelle et jeune impératrice Marie- Louise.
    Puis arrive Fossin, remarquable chef d’atelier de la maison choisi par Nitot pour sa succession, il est actif sous la Restauration. Sous le second Empire la maison est transmise aux Morel, choisis selon le même critère ; l’Impératrice Eugénie raffole de leurs créations.  Enfin arrive Joseph Chaumet dont le nom perdure malgré les aléas économiques de l’entreprise au 20ème siècle liés aux changements de mode de vie ou des situations financières des clients potentiels, aux problèmes de trésorerie, aux nouveaux clients. Elle a vacillé mais elle est toujours aussi renommée pour la qualité de ses productions, véritables œuvres d’art.
  • La description minutieuse des œuvres réalisées par les divers créateurs de la maison est  fascinante. L’incroyable cascade qui semble ne jamais se tarir de pierres précieuses de toutes sortes, de perles, de camées, l’indication des carats, les montages complexes pour des résultats fastueux et au bout du compte… des bras, des têtes, des cous, des tailles.  Et parfois c’est si lourd que c’est importable ou une punition ! Le descriptif de la tiare du pape Pie VII offerte par Napoléon à l’occasion de son sacre est stupéfiante ainsi que sa volonté de faire installer au sommet l’émeraude godronnée de 414 carats raflée par lui au pape Jules II !  

  • Ces fastueux bijoux peuvent aussi connaître des « jours difficiles ». S’ils appartiennent au trésor royal, ils doivent être rendus lorsque cessent les fonctions. A cet égard, le livre renseigne sur la probité des “usufruitiers”. Les bijoux personnels peuvent servir d’assurance vie en cas d’avenir incertain ou de revers de situation, ils peuvent être gagés, démontés, vendus car les pierres sont la valeur sûre et ceci amène la destruction d’une œuvre d’art. Ils peuvent être volés, repêchés dans la Seine, récupérés par des prédateurs qui les retrouvent à l’occasion d’un « sac ».

  • L’auteur tricote son récit sur les bijoux réalisés pour différents personnages de l’ Histoire. C’est documenté et passionnant. La partie consacrée à Napoléon rappelle les conquêtes de l’Empereur et la distribution des royaumes à sa famille. La Restauration et l’aversion des rois successifs pour les Bonaparte est relatée avec humour, l’attitude de Louis XVIII vis-à-vis des joyaux de la couronne est surprenante. Le règne de Napoléon III est présenté sobrement, la passion d’Eugénie pour les bijoux rejoint celle de Joséphine. Mais en 1870 le trésor royal les récupère et finit par les vendre en 1887. 

  • Les récits portant sur des personnes « privées » possédant beaucoup de bijoux sont très divertissants. Ainsi la Païva assoiffée de statut social, manipulatrice d’hommes pâmés, richissimes et généreux, est comblée entre-autres de bijoux fastueux. Les Dolly Sisters, célèbres stars de music- hall, adulées, insatiables, rouées, conduisant même à des contrôles chez Chaumet après un montage financier contestable. 

  • Le récit du sauvetage des archives de Chaumet qui a permis de conserver des preuves des talents successifs des artistes de la maison est quasiment miraculeux. 

Quelques réserves

Aucune pour un livre agréable à lire et à relire sur un sujet qui fait rêver 

Encore un mot...

Ce livre est très documenté pour démontrer la haute technicité des joailliers au service d’un art accompli à partir d’éléments naturels exceptionnels. Il relate aussi l’inextinguible appétence des destinataires. Enfin, la bibliographie réunie par chapitre permet d’approfondir le sujet si on le souhaite. Un bijou de Nitot propriété d’un collectionneur a été mis en vente publique en avril 2025.

Une phrase

  • « L’Empereur Napoléon veut égaler les rois du passé. Plus il envoie de jeunes gars se faire emporter la moitié de la tête et agoniser dans la boue, plus il se couvre de bijoux. » (p.19)

  • « Suivre les heurs et malheurs de la joaillerie est une façon de parcourir l’histoire qui en vaut une autre. » (p.45).

L'auteur

Laurence Cossé, journaliste, critique littéraire, romancière, nouvelliste et dramaturge, est l’auteure de très nombreux ouvrages dont, chez Gallimard, Le Coin du voile (1996), La Femme du premier ministre (1998), Le 31 du mois d’août (2003),  Le mobilier national (2001), La Grande Arche (2026) et Le secret de Sybil (2023). Elle a obtenu en 2015 le Grand Prix de littérature de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre. 

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