Journal 1912-1939, Maurice Garçon

Premières années professionnelles de Maurice Garçon, un témoin privilégié de notre Histoire
De
Maurice Garçon
Les Belles Lettres-Fayard,
Parution le 16 septembre 2022,
730 pages
35 €
Notre recommandation
4/5

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Voici le deuxième tome - le premier par ordre chronologique couvrant la période 1912-1939 - du journal de Maurice Garçon, grand avocat parisien du vingtième siècle, académicien et aquarelliste, dont le premier tome, passionnant, avait obtenu, il y a sept ans déjà, un grand succès.

Il s’agit maintenant des premières années professionnelles de l’auteur sur fond de Première Guerre mondiale et de Belle Époque, puis des années troublées qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale.

On y retrouve la qualité du témoin privilégié de ces événements qui ont marqué notre histoire.

Points forts

La vie, au jour le jour, à Paris alors que la guerre gronde à ses portes est étonnante par le peu d’intérêt que cette guerre suscite. La terreur très hypothétique des Zeppelins venant bombarder la ville, la fascination pour les trains rapatriant les blessés du front et, pour le reste, la vie continue…

Plus tard de grands événements sportifs ou techniques, la mort tragique de Clem Sohn, « l’Oiseau volant », au meeting aérien de Vincennes, l’arrivée  de Lindbergh au Bourget, le portrait – au vitriol – du navigateur Alain Gerbault.

Des années d’avant-guerre on retiendra tout particulièrement le voyage d’un Maurice Garçon, un peu admiratif mais surtout affolé, dans l’Allemagne nazie où il est reçu par ses plus hauts dignitaires qui lui confient la défense de la partie civile dans l’affaire de l’assassinat, à l’ambassade d’Allemagne à Paris, du conseiller culturel. Accepter ou refuser ? Avec l’aide du Bâtonnier de l’Ordre des avocats pour trancher ce cas de conscience, il accepte mais pose ses conditions.

Cette affaire extraordinaire dont les nazis ont voulu s’emparer pour déclencher la guerre, illustre l’immense désarroi des réfugiés juifs allemands en France en 1938 ; elle fait l’objet d’une relation détaillée et fascinante dans l’excellent livre que Gilles Antonowicz, historien du Barreau, a consacré aux dossiers de l’occupation traités par Maurice Garçon. ( Maurice Garçon. Procès historiques: L’affaire Grynszpan (1938). Les piqueuses d’Orsay (1942). L’exécution du docteur Guérin (1943). René Hardy (1947 et 1950) Broché – Illustré, 12 avril 2019 , Les Belles Lettres, éditeur.)

Quelques réserves

Il est bien dommage d’avoir attendu sept longues années pour disposer du deuxième tome de ce journal que l’on aurait aimé lire dans la continuité, à défaut de chronologie, du premier tome dont le caractère passionnant n’a pas échappé au public.

Qu’en sera-t-il du troisième couvrant les années 1945-1967 ?

Au demeurant la livraison d’aujourd’hui donne raison à Léautaud qui trouve dans un journal, en l’occurrence celui de Garçon, « du mauvais, du passable, de l’entre deux, de l’inutile et toujours de l’excellent. Il n’y a que les journaux intimes qui sont souvent très assommants, par la description des états d’âme de l’auteur. Quand on est un écrivain de faits, de tableaux et de circonstances extérieures à soi, on est toujours intéressant. Et vous, avec votre vie au barreau !... Vous devez le savoir aussi bien que moi : les journaux, les mémoires, les correspondances sont les seuls écrits qui survivent. » 

Il est vrai qu’avec notamment la fastidieuse narration de ses candidatures malheureuses au Conseil de l’ordre, le journal de Maurice Garçon se révèle bien passable, inutile et ennuyeux. Mais on a vu qu’avec l’affaire Grynszpan ou encore la leçon de Bergson au Collège de France, et bien d’autres événements qu’il relate, il confine aussi à l’excellent grâce à son style maîtrisé, son humour et souvent sa méchanceté cinglante.

Encore un mot...

Le journal de Maurice Garçon tenu du 29 février 1912 au 21 décembre 1967 (une semaine avant sa mort) a sa place auprès de ceux de Jules Renard et de Léautaud. Après le premier volume, portant sur la période 1939-1945, publié en 2015, voici le deuxième pour la période antérieure (1912-1939 ).

Une phrase

" 26 novembre 1938- Berlin - J’ai voulu voir ce qu’ils pensent avant de prendre une décision. J’ai pris le train hier soir. Je viens d’arriver. Avant de descendre à la gare du Zoo, j'ai jeté un coup d’œil par la fenêtre du compartiment. Le hasard a voulu que le premier spectacle qui m’est apparu à droite est le bâtiment incendié d’une synagogue. Elle est grande, à triples coupoles. Les coupoles ont résisté mais les toits sont effondrés, les fenêtres crevées, les murs noircis. Dans le couloir de mon compartiment tous les voyageurs regardaient. Personne n’a dit un mot.
On est prudent. "

L'auteur

Maurice Garçon, né le 25 novembre 1889 à Lille et mort le 28 décembre 1967 à Paris est un avocat, essayiste, parolier, romancier et académicien.

Il a défendu les plus grandes causes du vingtième siècle dont le livre" Les procès historiques " de Gilles Antonowicz ( Les Belles Lettres, 2019) donne des exemples passionnants.

Maurice Garçon était aussi un merveilleux aquarelliste illustrant sur le vif les audiences auxquelles il participait, ce que le même Gilles Antonowicz donne à voir dans un très beau livre publié chez Seghers ( octobre 2021 ), " Maître Maurice Garçon, artiste ".

Chroniques à retrouver sur le site :
- Journal 1939 - 1945
- ME, Maurice Garçon, artiste
- Nos chroniqueurs publient des livres

 

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