Déserter

Un chef d’œuvre de virtuosité, nourri d’histoire, de guerre, de mathématique et d’amour
De
Mathias Enard
Actes Sud
Parution le 16 août 2023
256 pages
21,80 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Un soldat fuit dans une montagne magnifique, il cherche à échapper aux horreurs de la guerre comme à sa propre violence. Une femme tondue accompagnée d’un âne va surgir dans son repaire et l’oblige à baisser son arme. Une relation tendue s’établit entre eux.

 Le 11 septembre 2001, près de Postdam, à bord d’un bateau fluvial, le Beethoven, est organisé un colloque en hommage à Paul Heudeber : ce génial mathématicien est-allemand, rescapé de Buchenwald, était resté fidèle à ses convictions communistes, en refusant de quitter la RDA. Son ouvrage, écrit pendant sa détention Les Conjectures de l’Ettersberg, élégies mathématiques, mêlait d’une manière originale les démonstrations mathématiques à la poésie.

Ces deux récits entrelacés n’ont rien de commun. L’un est une ode somptueuse à la nature sauvage à travers le regard du déserteur, l’espace et le temps, ainsi que les causes de cette désertion, restent flous, tandis que l’autre nous raconte dans un contexte historique, politique, sociologique et psychologique précis, la vie d’un savant exceptionnel, amoureux de Maja, une femme aussi séduisante que mystérieuse, qui exercera des fonctions politiques importantes en Allemagne de l’Ouest.

Points forts

  • Cette histoire du XXème siècle par le prisme des sciences et de l’omniprésence des guerres passe par la biographie du mathématicien Jean Heudeber et par la fuite éperdue de ce soldat.
  • Ces deux personnages s’opposent par leurs choix : l’engagement absolu et la fidélité loyale à ses convictions jusqu’au bout pour l’un, la trahison coupable et la désertion pour survivre pour l’autre.
  • Des thèmes passionnants : la science, facteur de progrès, d’espoir ; le communisme contre le fascisme, qui fait croire à la fraternité et à la paix ; la musique secrète des mathématiques et leur poésie ; la beauté de l’amour et le lyrisme du langage amoureux.
  • Des personnages féminins superbes : Maja, fascinante par sa beauté et sa liberté ; Irina, leur fille, historienne, nous touche par sa mélancolie, à travers ses doutes, ses interrogations sur sa mystérieuse mère et son savant de père ; la femme tondue résiste, grâce à son âne, à ses souffrances, tout en restant fragile, émouvante.
  • Le choc né de Buchenwald, camp de concentration voisin de Weimar, la ville de Goethe.

Quelques réserves

La construction originale de ce roman, fondée sur l’alternance de deux récits si différents, permet à l’auteur de déployer toute la palette de ses talents. Il nous propose ici un chef d’œuvre de virtuosité, en jonglant harmonieusement avec des contenus aussi singuliers que la guerre au cœur de l’histoire du XXème siècle, la désertion au sein de la nature, les mathématiques et l’amour, servis par une plume qui s’adapte brillamment à chaque univers.

Encore un mot...

  • « Je les avais vus ensemble et séparément, la politicienne et le mathématicien, lui personnage public célèbre et célébré de l’Allemagne de l’Est, communiste fervent jusqu’à la déraison et elle, femme politique de l’Ouest, toujours soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi. » p.51
  • « Chaque jour le printemps monte de quelques mètres dans la montagne jusqu’à la couvrir de son voile, la dissimuler de son dais, les fleurs éclosent, les nids grandissent, les abeilles se baignent dans les pistils, de plus en plus nombreuses, les scorpions s’extirpent de leurs œufs gluants et les serpents muent, dans le bruissement d’impatience, une excitation de rut. » p.80
  • « Mon père marchait sur deux jambes : l’algèbre et le communisme. Ces deux membres lui permettaient de parcourir la vie entière. Ces deux mondes lui avaient permis de survivre à la déportation. » p.97

Une phrase

Né en 1972, Mathias Enard est membre de l’Académie allemande pour la langue et la littérature depuis 2021. Il a publié Zone (2008), prix Décembre et du Livre Inter, Parle-leur des batailles, de rois et d’éléphants, prix Goncourt des Lycéens 2011, Boussole, prix Goncourt 2015 et Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs (2020).

Liens des chroniques de Boussole et Le Banquet annuel de la Confrérie des fossoyeurs.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Ils viennent de sortir