LA FILLE QU’ON APPELLE

Laura et le maire...un engrenage infernal. Un bon polar social
De
Tanguy Viel
Les Editions de Minuit
Paru le 2 septembre 21
175 pages
16 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Max le Corre, un boxeur en fin de carrière, est devenu le chauffeur du maire, Quentin Le Bars. Il obtient de celui-ci un rendez-vous pour sa fille Laura qui, revenue vivre dans cette ville de l’ouest de la France, cherche un logement.

Se met alors une mécanique implacable, dont le Directeur du casino local, Bellec, est le principal rouage. Inexorable dans son déroulement et sa fatalité, elle va pousser la fille dans le lit du maire à chaque fois qu’il l’appelle.

Points forts

  • Le style inimitable - et si cher à Jérôme Lindon et ses éditions de Minuit puis à sa fille Irène qui prit sa suite à sa mort en 2001 - , ce style si brillant et d’une apparente simplicité nous offre toutes les ambivalences dont le langage est capable. L’auteur le raconte lui-même : « Peu à peu, je parviens à habiter une langue qui a ses connivences dans le réel, qui s’ouvre à sa propre confiance, presque transitive. Les mots et les choses se reconnectent et la vie circule des uns aux autres ». Cela s’appelle construire une œuvre !
  • Le titre, La Fille qu'on appelle, sonne comme un début de phrase qui semble ne jamais devoir être terminée. Comme les deux politiques, Bellec et Le Bars, qui n’expriment jamais leur volonté mais l’imposent sans même avoir à la nommer. Comme Laura, cette fille qu’on appelle et qui subit petit à petit l’emprise masculine sans jamais pouvoir dire non dans un engrenage infernal. Comme le père, Max Le Corre, que la vérité dépasse et qu’il ne saura jamais nommer.
  • Les rapports de force se créent très vite et les axes de domination vont dicter les mouvements et les actes de chaque protagoniste, emportés par leur place sur l’échiquier de la vie et le rôle social qu’ils occupent. Et c’est autour du sexe, métaphore de la domination que se créé la mécanique de destruction qui va emporter tous les acteurs de cette triste dynamique.
  • La fille qu’on appelle, la « call girl » en anglais, est une dénonciation réussie – mais en sera-t-il autant de la volonté de Laura d’obtenir justice – d’une situation emblématique de milliers de tristes histoires. Espérons que ce réquisitoire sur l’abus de pouvoir trouvera un écho auprès des victimes comme des bourreaux.

Quelques réserves

La fin peut-être, dénouement tristement banal et prévisible, qu’on aurait aimé moins « téléphoné ».

Encore un mot...

Tanguy Viel et les romans policiers. Dans le fond comme dans la forme et dans les titres, citons par exemple L’absolue perfection du crime, La Disparition de Jim Sullivan, Article 353 du code pénal, ses livres flirtent avec la série noire. Ce n’est pas le grand maître de la littérature policière, Jean-Baptiste Manchette, qui nous contredirait : un bon polar est d’abord social.

Tanguy Viel construit ses livres autour d’une intrigue dont nous suivons la mise en place jusqu’au dénouement. Elle sert de toile de fond à une enquête sur ses personnages, enquête à laquelle il associe ses lecteurs qui peuvent ainsi remettre à leur place les divers éléments du puzzle proposé par l’auteur.

Une phrase

«  Il aurait pu reprendre sa place derrière son grand bureau de maire, lui proposer une chaise en face de lui, mais non, il a indiqué le canapé de cuir qui délimitait un petit salon près de la fenêtre, Venez par-là, il a dit, nous serons mieux ».

L'auteur

Tanguy Viel est un écrivain plutôt discret, voire secret. Le site de son éditeur nous apprend qu’il est né à Brest en 1973 et a publié son premier livre, Black note, en 1998, aux Editions de minuit comme les huit autres romans qui l’ont suivi.

La fille qu’on appelle se trouvait dans la deuxième liste de livres en lice pour le prix Goncourt.

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