La Maison du chat-qui-pelote

L’histoire d’une enseigne, les tribulations d’un tableau, une peinture sociale de Paris vers 1812. Et... la belle écriture de Balzac !
De
Honoré de Balzac
Livre de poche -
96 pages -
2 euros
Notre recommandation
4/5

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Thème

La description d’un Paris pittoresque, l’incompréhension de deux univers antagonistes, celui de la bourgeoisie traditionnelle confrontée à celui d’un artiste génial. Un drapier cossu, Monsieur Guillaume, a deux filles. L’aînée, disgracieuse, se mariera à son commis le plus zélé. La cadette, jolie, telle ces vierges peintes par Raphaël, épousera un peintre issu de la noblesse : cette mésalliance conduira à la fin tragique de la jeune femme.

Véritable mise en abyme autant figurative, descriptive que symbolique par l’entremise d’une enseigne et de tableaux, cette nouvelle inaugure ‘’les scènes de la vie privée’’ de la Comédie Humaine. 

Sans énoncer péremptoirement les points forts ou faibles d’un texte passé au crible par d’éminents critiques, nous apprécierons ce récit précurseur du point de vue du dilettante en relevant ce qui nous semble être sa puissance.

Points forts

Cette nouvelle possède le charme de la structure d’un conte dans son apparente simplicité (une époque, une famille de drapiers), sa symétrie (un mariage de raison, un mariage d’amour).  Enfin, dans la présence d’une moralité : on se brûle les ailes à vouloir s’extraire hors de son milieu. L’héroïne, Augustine, meurt pour s’être arrachée à la bourgeoisie. Les dernières phrases qui clôturent le récit et décrivent la chute et la mort de la jeune femme font d’ailleurs songer au mythe d’Icare : « Les humbles et modestes fleurs meurent quand elles sont transplantées trop près des cieux… aux régions où le soleil est brûlant ».    

Le récit débute avec la description de la façade d’un vieil immeuble devant lequel est posté un jeune peintre tout juste rentré d’Italie où il a fait ses classes. Elle trahit l’existence de « ces vieilles familles restées au milieu de la civilisation nouvelle, comme ces débris antédiluviens retrouvés par Cuvier dans les carrières ». La façade exhibe une enseigne, le chat-qui-pelote  (référence au jeu de paume), devant laquelle s’attarde l’artiste. Celui-ci observe les occupants de la maison, et plus particulièrement une jeune fille, Augustine, laquelle lui inspirera « un tableau naturel », celui de l’innocence saisie sur le vif, exposé au Salon et qui fera un tabac. La passion qui transparaît du tableau et que contemplera ultérieurement la jeune fille aboutira à l’union des deux jeunes gens ; passion éphémère pour le peintre, lassé prématurément de sa jeune épouse qui ne maîtrise ni les codes de sa société ni ne comprend son art : « Elle marchait terre à terre dans le réel tandis qu’il avait la tête dans les cieux ».

L’artiste s’éprend alors d’une marquise, devenue la nouvelle dépositaire du tableau autrefois admiré par le Tout Paris, et sous l’égide duquel les époux avaient auparavant célébré leurs amours. Désespérée, la jolie Augustine, après avoir vainement cherché secours auprès de ses parents, qui lui apparaissent à présent vulgaires, et cherchant à ranimer la flamme de son peintre de mari, se rend chez la marquise, « une coquette », qui se trouve en compagnie d’un nouvel amant. Elle lui restitue son portrait, à valeur de « talisman ». Augustine croit pouvoir conjurer le sort en montrant au peintre son œuvre revenue au sein du foyer conjugal. Or celui-ci, comprenant que sa maîtresse lui préfère désormais un autre homme, de rage, et jurant vengeance, déchire la toile : « Je la peindrai », dit-il, « sous les traits de Messaline sortant à la nuit du palais de Claude ».  La nouvelle était introduite par une façade contemplée par un peintre, elle s’achève par la mention d’une épitaphe sur la tombe d’Augustine lue chaque année, « au jour solennel du 2 novembre », par un passant.

Quelques réserves

Difficile d’en trouver dans ce court texte si dense et aux multiples lectures, dont la langue est absolument superbe, que ce soit dans des descriptions très réalistes et percutantes, ou dans des envolées plus lyriques où la passion féminine se heurte à l’indifférence d’un homme.

Encore un mot...

C’est un texte qui introduit magnifiquement à la Comédie Humaine. On est ému par l’évocation du vieux Paris, on suit le badaud rue Saint-Denis, on le quitte cimetière Montmartre. A la bourgeoisie traditionnelle sous l’Empire, prudente, économe, décrite avec minutie, s’oppose la fougue de l’artiste créateur, imprudent et dissipateur. L’enseigne du chat-qui-pelote et le tableau, fils conducteurs du récit, sont eux-mêmes le reflet de la société décrite par Balzac. 

Une phrase

"Une formidable pièce de bois, horizontalement appuyée sur quatre piliers qui paraissaient courbés par le poids de cette maison décrépite, avait été rechampie d’autant de couches de diverses peintures que la joue d’une vieille duchesse en a reçu de rouge. Au milieu de cette large poutre mignardement sculptée se trouvait un antique tableau représentant un chat qui pelotait…L’animal tenait dans une de ses pattes de devant une raquette aussi grande que lui, et se dressait sur ses pattes de derrière pour mirer une énorme balle que lui renvoyait un gentilhomme en habit brodé."

L'auteur

Présenter l’auteur de la Comédie humaine en quelques lignes est une gageure impossible. Balzac est né en 1799 dans une famille bourgeoise, d’origine paysanne. Devenu célèbre romancier, fasciné par le dandysme, grand séducteur, il s’arrogera la particule en signant, dès  La peau de chagrin  : « de Balzac. » La critique a pu dire que chez Balzac, l’homme et l’œuvre se confondent. C’est un travailleur infatigable qui aime aussi jouir de l’existence et que toujours des créanciers poursuivent. Alors qu’il venait enfin d’épouser Madame Hanska, sa célèbre épistolière, il mourra à Paris d’hydropisie en 1850.    

Le clin d'œil d'un libraire

LIBRAIRIE « NOUVELLES IMPRESSIONS » A DINARD. UN BIJOU TRES PRECIEUX SUR LA CÔTE D’EMERAUDE

Quel plaisir !! La première « impression » fut vraiment la bonne. Quel bel accueil nous a réservé l’heureux propriétaire de cet espace culturel très convivial situé au cœur de cette ravissante station balnéaire, à deux pas de la plage… et du casino. Thierry de la Fournière, n’en déplaise à sa modestie naturelle, est une figure locale. Ancien adjoint au maire en charge de la culture, il fonda à Dinard le festival du film britannique, qui prospère aujourd’hui en ayant anglicisé son nom ; depuis 1900 tout résonne british ici, ou presque. Nom de rues et d’hôtels, vitrines, éternel tea-time,  greens d’un golf sublime à la porte de Saint Briac, jusqu’à l’humour de notre interlocuteur, fou de politique locale qui avoue que la liste du nouveau maire, sur laquelle il figurait est passée avec «un pan de chemise dans la porte ».

Thierry de la Fournière, maîtrise d’histoire, 15 ans de professorat est aujourd’hui le plus heureux des libraires, un métier qui lui garantit l’indépendance et lui procure «les nourritures intellectuelles» indispensables à la vie. D’ailleurs, si vous ne le saviez pas, nous vous présentons l’ex Président du «Prix des libraires». Un coup de cœur en passant ? «Le dernier livre de Colum MacCann» obviously. «Son Apeirogon, est un tourbillon, l’histoire d’une amitié improbable entre un palestinien et un israélien dont les fillettes viennent de se faire tuer». Thierry de la Fournière apprécie aussi beaucoup Le Tellier et son L’anomalie que l’on vendait très bien déjà avant le prix.

 «Un bon Goncourt dont le langage populaire lui permet d’être lu à plusieurs niveaux».

Avec ses 15 000 références et ses 7 libraires-conseils, les «Nouvelles Impressions» brillent à Dinard. «A bas bruit», comme le confie à Culture-Tops son animateur, et sans site internet. Impressionnant.

Librairie Nouvelles Impressions – 42 rue Levavasseur – 35800 Dinard – Tel. 02 99 46 15 95

Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture Tops.

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