L'affranchie de Montmartre
Parution en septembre 2024
252 pages
22 €
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Thème
Elle est là, assise, prostrée, active, angoissée, taquine… là, à contempler au crépuscule de sa vie, celle qui fut Marie Clémentine, Olga la princesse cosaque zaporogue, Maria puis Suzanne. Elle se souvient de Puvis de Chavannes, Steinlen, Renoir, Toulouse Lautrec, Erik Satie, Degas, Picasso, Braque, Kars, peintres, amants, mentors, amis. Elle se souvient de Maurice, père peut-être, fils sûrement - Utrillo à l'état civil. Elle se souvient de Paul, mari pour un temps, d'André, amant pour longtemps. Dans ses nuits de cauchemars dont "Momo" et sa mauvaise conscience sont bien souvent les agitateurs, dans son petit appartement où brillent les éclats de tableaux inachevés, à côté de ces feuilles laissées par Francis Carco afin qu'elle y trace son histoire, Gazi le Tatar, artiste, peintre, poète de 20 ans son cadet, compagnon du bout de voyage, veille sur elle, veille sur Suzanne Valadon.
Dans ce récit presque à la première personne, Jean-Paul Delfino nous dévoile ce qui fut sans doute la vraie vie de la peintre post impressionniste Suzanne Valadon, égérie des artistes de Montmartre à la charnière des 19 et 20ème siècles, femme libre, dessinatrice, peintre, graveuse, autodidacte, mère de Maurice Utrillo, reconnue de ses pairs, et en particulier révélée par Henri de Toulouse Lautrec et Edgar Degas.
Points forts
C'est une histoire singulière que celle de Suzanne Valadon qui s'imposa, très jeune, par sa beauté d'abord, par son talent inné ensuite, dans le milieu ultra masculin et conservateur de la peinture, entre le dernier quart du 19eme et premier quart du 20eme siècle. Si elle fut finalement une artiste reconnue, une icône dans la cause de l'égalité des droits pour les femmes, la fin de sa vie fut plutôt misérable. C'est dans cette ambiance que nous emporte Jean-Paul Delfino, avec un langage imagé, direct, authentique, immersif, pour nous placer, à la fois dans les pensées de Suzanne Valadon et dans les ambiances "bohèmes" d'une butte Montmartre encore révolutionnaire pour l'art, populaire, libertine.
Le processus narratif, par les oscillations entre sa pensée et son environnement, donne vraiment le sentiment de vivre ses souvenirs.
Dans la peau de Suzanne, le vocabulaire aussi direct qu’argotique - un argot des faubourgs comme on n'en trouve plus que dans les romans du siècle passé - rend le récit attachant et vrai. Entre autres curiosités, vous y découvrirez que le "rapin" n'est pas le masculin de rapine, mais le surnom des "scribouillards", dessinateurs ou peintres apprentis de "la butte". Au chapitre de l'argot, vous aurez peut-être besoin de consulter d'autres pages du dictionnaire ad hoc !
Quelques réserves
Devant cette vie tiraillée entre le talent, l'appétit de vivre, la maternité et ses remords, on aurait envie de voir, tant le récit est vivant, les images des œuvres décrites et racontées dans le roman. Wikipédia y pourvoira !!
Encore un mot...
A moins d'avoir une culture "soutenue", on n'imagine pas nécessairement que la vie des artistes dissidents de l'académisme de l'époque fut difficile, et la reconnaissance tardive. Femme, Suzanne Valadon vécut l'ascension par la force innée de sa personnalité, de sa beauté, de sa vitalité, de son talent. Elle vécut la déchéance matérielle par des choix peut être malheureux, mais surtout du fait de sa passion dévorante pour la peinture. Ce roman rend compte de cette vie forte, courageuse et fracturée. Fracturée par une maternité vécue avec culpabilité, qui enfanta la célébrité embarrassante de Maurice Utrillo, peintre bien plus renommé qu'elle de son vivant et encore aujourd'hui, mais alcoolique et sans doute bipolaire, ce qu'elle se reprochera jusqu'au dernier jour. L'affranchie de Montmartre eut une vie comme un roman. Jean-Paul Delfino lui rend un hommage aussi peu académique que vibrant d'authenticité.
Une phrase
" Sous l'œil vaguement inquiet du garçon qui observait à la dérobée cette cliente qui parlait seule, elle souffla dans l'air un nouveau nuage de fumée et conclut :
«Peindre... Mais pour peindre, il faut avoir vécu. Il faut que la vie vous ait touchée, il faut avoir aimé. La technique, ce n'est que du jus de chique. Ça n'a pas d'âme. À la portée du premier con venu. Avoir vingt ans sans avoir encore aimé. Quel gâchis!
Moi, j'ai connu des histoires d'amour qui n'ont pas duré plus d'une heure ou deux. Mais pendant une heure ou deux, on s'est plus aimés que des vies entières passées à soi-disant s'aimer. Pauvre petite...»” P 66
L'auteur
Né à Aix-en -Provence en 1964, Jean-Paul Delfino est romancier, scénariste, dialoguiste et auteur de littérature pour la jeunesse. Il a publié une vingtaine de romans d'aventures dont plus de la moitié sont des sagas ou des suites brésiliennes assez appréciées par la grande presse dont : Assassins ! (Prix étoile du Parisien catégorie “meilleur roman” en 2019) ; Les voyages de sable (Prix des Romancières en 2019) ; Guyanes (Prix du livre de Plage en 2023 ; et du tout nouveau Prix Le Mans -Antoine de Saint Exupéry le 2 octobre 2023). Petite bio empruntée à la chronique de Guyanes.
écrite par Jean-Pierre Chamoux !
Pour découvrir, en vrai, un peu de l'univers de Suzanne Valadon, rendez vous au Musée de Montmartre.
, rue Corto à Paris, où elle vécut et peint longtemps, avec son fils Maurice Utrillo.
Les œuvres de Suzanne Valadon sont exposées au Musée d'Art Moderne de Paris (Beaubourg), au Metropolitan Museum of Art de New York, aux Musées de Grenoble et Lyon, dans l'exposition permanente qui lui est dédiée à Bessines sur Gartempe, en Haute Vienne, sa ville natale.
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