Le bel indifférent

Indifférent ... ou pas. Une chronique à quatre mains et des avis différents
De
Jean Cocteau
Adaptation : Christophe Perton
Composition musicale originale : Maurice Marius et Emmanuel Jessua
Durée : 1h25
Mise en scène
Christophe Perton
Avec
Romane Bohringer et Tristan Sagon, Lead guitare et claviers : Emmanuel Jessua - Chant et claviers : Maurice Marius - Guitare : Jonathan Maurois - Batterie : Pierre Rettien - Basse : Charles Villanueva
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Atelier
Place Charles Dullin
75018
Paris
01 46 06 49 24
Du 11 octobre au 12 novembre, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 17h

Thème

  • Une chanteuse à succès, mais malade, rentre de son concert dans la chambre d’un hôtel où elle attend Emile. La nuit règne sur la métropole asiatique hérissée de tours et parcourue de lumières qui sert de décor au drame. 
  • Elle a 48 ans, s’alarme de voir son visage se faner, ses charmes se dissiper et son jeune et bel amant la délaisser. Lorsqu’il arrive enfin, elle laisse s’exprimer son désarroi, sa jalousie et sa fureur, en parlant et en chantant, mais sans obtenir de réponse.

Points forts

  • Anne-Caude

• L’énergie déployée par la comédienne-chanteuse, qui réalise ici une remarquable performance, comme, du reste, le danseur,

• Le dispositif scénique sophistiqué et esthétique est très réussi : les musiciens aperçus à travers le vélum qui les sépare de la scène principale, le décor circulaire de bois clair qui autorise de savantes circulations, les vidéos et les lumières qui scandent avec justesse les différents moments du drame.

  • Charles-Edouard

• Jean Cocteau a écrit plusieurs versions du Bel indifférent, qu’il adapta à la demande d’Edith Piaf, en réalisant deux versions de ce récit : une pour le théâtre qui devint le texte de la pièce, une autre sous la forme d’un long poème qui ne fut jamais utilisée. Christophe Perton utilise cet inédit, en respectant le texte à la lettre pour en faire des chansons, sur des musiques originales écrites par ses musiciens. La version du Bel indifférent proposée ici est la réunion de ces deux textes.

• Christophe Perton, grand ordonnateur de ce spectacle à la fois exubérant et intimiste, en signe à la fois l’adaptation, la mise en scène et la scénographie.

• Le dispositif scénique est moderne, tonitruant et mêle habilement théâtre, vidéo et scène rock, créant un subtil équilibre dans lequel l’actrice, le danseur et les cinq musiciens sont chacun parfaitement à leur place.

• Ni tout à fait chanteuse ou danseuse, mais totalement et magnifiquement actrice, Romane Bohringer préserve l’intériorité de son jeu et porte la pièce sur ses épaules. Tour à tour inquiète, jalouse, cajoleuse, elle incarne l’amoureuse éperdue dans toutes ses dimensions, en se glissant dans la voix, le verbe et la silhouette que Jean Cocteau avait initialement conçus pour Edith Piaf.

• Si ce bel indifférent ne dit pas un mot, son corps tout entier parle pour lui. Tristan Sagon accompagne le jeu de Romane Bohringer de toute sa morgue de petite frappe prétentieuse et indifférente. Son langage corporel exprime tour à tour la perversité de son attitude et le dérèglement de ses sens, son incapacité à exprimer la confusion qui l’anime. Il incarne cette violence en tirant de son corps une gestuelle épurée et fluide parfaitement maîtrisée.

• Enfin, le groupe de rock, composé de cinq musiciens, joue en live et ajoute une dimension scénique pleine de bruit et de fureur.

Quelques réserves

  • Anne-Claude

• Le texte, dont on comprend qu’il soit resté inédit, est d’une platitude désolante, qui frise le ringard et empêche le spectacle de décoller. Il a vieilli, évidemment, mais il est surtout dépourvu de la moindre originalité, tissé d’une passion convenue et sans profondeur. 

• Sans doute cette inanité n’est-elle pas pour rien dans l’incapacité de Romane Bohringer à être très convaincante, qu’elle chante, qu’elle danse ou qu’elle parle. 

• La fièvre qui agite les interprètes plus qu’elle ne les anime ne gagne pas le spectateur, qui reste extérieur à ce qui se déroule sous ses yeux, baignant dans une musique pop un peu envahissante.

  • Charles-Edouard

• Aucune : même le texte de Cocteau, dont on aurait pu craindre qu’il semble un peu “daté“, trouve, grâce à la modernité de la mise en scène, du dispositif et de la prestation des interprètes, une résonance très actuelle.

 

Encore un mot...

  • Anne-Claude

C’est donc l’histoire d’un amour toxique dirait-on aujourd’hui, d’une femme amoureuse, trahie, malmenée, battue, sous emprise. Et qui finit, sans qu’on comprenne bien pourquoi, à la faveur de quel basculement psychologique, par décider d’échapper à son « tortionnaire ». Rien de neuf en somme.

  • Charles-Edouard

Cocteau - Piaf, le couple infernal. Pendant 25 ans, ils furent des amis très intimes, partageant les tourments dans lesquels la vie les a jetés, du fait de leur grande sensibilité artistique et de leur dépendance affective. L’un et l’autre cherchèrent dans les remèdes - l’alcool et la morphine pour Edith et l’opium pour Jean - un moyen pour tenter de s’en échapper.

Une phrase

  • Anne-Claude
    « Parfait. Tu ne veux pas répondre, comme d’habitude. Ne réponds pas. Ce n’est pas moi qui t’interrogerai, qui insisterai. Je ne suis pas de ces femmes qui font des interrogatoires et sont sur vos talons jusqu’à ce qu’elles apprennent ce qu’elles veulent savoir. »
  • Charles-Edouard
    « Le sang peut bien couler,
    Ruisseler sur mes membres
    Je me tairai de peur
    Que tu en quittes la chambre
    Toi mon seul souvenir
    Et mon seul horizon. »

L'auteur

  • Ecrite pour Edith Piaf, dix ans après La Voix humaine, cette pièce de Jean Cocteau en reprend les motifs : une femme trompée souffre de l’absence, des mensonges ou du silence de son amant. Donnée en par Piaf, 1940, c’est Paul Meurisse, le fantaisiste de cabaret, qui interprète Émile, l’amant ingrat et muet au théâtre des Bouffes-Parisiens. 
  • Ce texte a donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques (J Demy, J Marais, JL Godard). Christophe Perton réunit ici les deux versions écrites par Cocteau, l’une pour le théâtre et l’autre pour la chanson et propose un « théâtre pop » où récit et chansons alternent. 
  • Cocteau avait préfacé les mémoires de Piaf en 1958, sous le titre « Au bal de la chance ». Les deux amis, Cocteau et Piaf sont morts à un jour de distance, cette proximité temporelle les liant à jamais pour la postérité.

Commentaires

Lydie
mer 08/11/2023 - 16:58

Ouh ! Cette pov Romane qui essaye de plaire au plublic mais sans y parvenir. Elle est mauvaise chanteuse, danseuse et actrice frustrée. Bravo à la mise en scene et aux musiciens mais de grâce avec des acteurs qui touchent

Alice
dim 26/11/2023 - 02:25

Tout à fait d'accord avec Charles-Edouard. Ce spectacle est très bien, et Romane est magnifique, ainsi que le danseur, la scénographie, la musique. Bravo !

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