Passeport

L’immigration n’est pas une histoire de chiffres mais de destinées humaines
De
Alexis Michalik
Durée : 1h50
Mise en scène
Alexis Michalik
Avec
Christopher Bayemi, Patrick Blandin, Jean-Louis Garçon, Kevin Razy, Fayçal Safi, Manda Touré, Ysmahane Yaqini
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Renaissance
20 boulevard Saint-Martin
75010
Paris
01 42 08 18 50
Jusqu’au 8 février 2026 Du mardi au samedi inclus à 21h, le samedi à 16h30 et le dimanche à 14h30.

Thème

  • La “Jungle de Calais“, théâtre de la quête de ces migrants venus de contrées lointaines pour un avenir meilleur, en Angleterre qui les refuse (et laisse à la France et au reste de l’Union Européenne le soin de gérer la question), mais aussi lieu de tous les dangers, où la mort rôde à chaque instant, tant la précarité y règne sans partage, quand ce n’est pas la noyade lors de tentatives de traversées de la Manche dans des canots bondés.

  • Nous y faisons la connaissance d’Issa, un jeune Érythréen, agressé et laissé pour mort et qui, à son réveil, a perdu la mémoire. Alors que le seul élément tangible de son passé est son passeport, Issa entame une longue quête semée d’embûches afin d’obtenir un titre de séjour, entouré de deux compagnons d’infortune, le Syrien Ali et l’Indien Haroun.

  • Parallèlement, nous suivons le parcours et les questionnements de Lucas, un jeune gendarme en poste à Calais, tout près de la « jungle ». Il est l’enfant adopté d’une famille dont le père, un militaire à la retraite, est loin de partager les vues de Jeanne, la jeune journaliste née en France de parents d’origine malienne, dont son fils est tombé amoureux.

  • Les trajectoires de ces personnages ne vont pas cesser de s’entrecroiser et de s’emmêler comme des fils de destins qui se tissent à mesure que les événements s’enchaînent …

Points forts

Alexis Michalik a réussi le tour de force de combiner convictions et dramaturgie pour nous offrir une restitution réussie et une belle émotion.

  • Il s’empare d’un sujet d’actualité et réussit à ne pas en faire « une fiction de plus sur le thème de ». Auteur et metteur en scène, il a construit son texte et son dispositif en véritable dramaturge, bien conscient que le scénario est la condition première d’une œuvre réussie, et il est diablement doué pour nous prendre dans les fils de son récit et les aventures de ses héros ordinaires qui luttent pour survivre, en exploitant toutes les ressources de leur imagination, leur optimisme, leurs talents, leur fraternité, afin de se soutenir et de s’en sortir.

  • Le dispositif scénique, chez Michalik, est un mélange d’inventivité, de dextérité et de bricolage, qui fait la part belle à une dynamique soutenue. Mais il reste au service du texte sans jamais alourdir le récit. Ce n’est donc pas un “tic“ de metteur en scène, mais un perpétuel voyage dans le temps et dans l’espace, pour faire rebondir l’histoire avec fluidité. On traverse ainsi la mer et le désert, passant d’une autoroute à un restaurant ou un hôpital en quelques instants. Le rythme ne faiblit pas et entraîne les spectateurs dans une course poursuite pour la vie car, après toutes ces aventures, la destinée des sept personnages s’en trouve bouleversée.

  • Evoquons à présent ces sept comédiens, dont aucun ne nous est connu et qui sont épatants, comme s’ils formaient une troupe. Peut-on établir une métaphore, toute proportion gardée, entre la précarité et la difficulté à survivre dans le paysage culturel pour un jeune comédien et l’avenir incertain des migrants ? En tout cas, nul doute que les prestations de chacun d’eux, leur plasticité, leur talent, la richesse de leurs modes d’expression, leur promettent un bel avenir. Hommes seuls et traqués ou simplement malmenés au début, ils auront accompli leur révolution et trouvé une raison d’être à leurs parcours.

Quelques réserves

  • Il y a ici ou là des envolées indignées de bon aloi, comme celle de la journaliste Jeanne au moment d’un dîner houleux avec le père (un ancien officier, donc nécessairement borné et odieux) de son amoureux Lucas, qui tendent à l’exposé didactique, cultivant des vues un peu iréniques et d’ailleurs pas toujours empruntées aux meilleures sources. Du point de vue de la documentation, l’auteur eut été bien inspiré de parcourir diverses petites synthèses très accessibles et éclairantes, conçues à destination du grand public par des spécialistes et des praticiens de cette question extrêmement délicate, comme par exemple le petit recueil de Didier Leschi, Ce grand dérangement. L’immigration en face (Paris, Gallimard, coll. Tracts, 2020).

Encore un mot...

  • Au début de la pièce, on se dit « encore une histoire de migrants, encore Calais, encore La Jungle … ». Et puis très vite, on est happé par les personnages, par l’histoire, par des situations qu’on n’avait pas imaginées, par l’humanité qui illumine le spectacle.

Une phrase

  • « D’une manière générale, je ne souhaite jamais écrire sur un thème, mais me fonde plutôt sur une idée ou une situation précise, qui donne ensuite naissance à l’architecture du spectacle. J’ai écrit cette nouvelle pièce en Guadeloupe, seul, après avoir mûri ses contours pendant plus d’un an et m’être longuement renseigné. Ce n’est pas un théâtre militant ou documentaire, mais une histoire humaine, qui s’adresse à tous. »
    (Alexis Michalik, dans la note d’intention)

L'auteur

  • Ce dramaturge est suivi de près par Culture-tops. Qu’on en juge…

  • Le porteur d’histoires est sa première pièce en tant qu’auteur. Succès inattendu, elle cumule à ce jour 2500 représentations et a été jouée dans le monde entier.

  • Le cercle des illusionnistes est sa seconde. En 2014, il est récompensé pour ces deux pièces du prix Beaumarchais du Figaro, du prix Jeune Théâtre de l’Académie Française et de deux Molières (auteur et metteur en scène de théâtre privé).

  • Pour Edmond, sa troisième pièce, il en reçoit cinq (Meilleure pièce, auteur, metteur en scène de théâtre privé).

  • Intramuros est sa quatrième pièce.

  • Une histoire d’amour sa cinquième, pour laquelle il reçoit en 2020 le Molière du metteur en scène de théâtre privé.

  • Il a mis en scène sa première comédie musicale avec Les Producteurs en 2022.

  • Il est également scénariste, réalisateur et écrivain : son premier film, Edmond, est sorti en janvier 2019, puis il réalisa l’adaptation de la pièce Une histoire d’amour en avril 2023.

  • Son premier roman, Loin, est sorti en septembre 2019.

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