La Guerre par d' autres moyens

Quand tu auras quitté le pouvoir, tu boiras la coupe jusqu'à la lie… Un roman un peu convenu

Karine Tuil

Gallimard
Parution en février 2025
381 pages
22 euros

Notre recommandation

3/5

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Thème

Il a quitté le pouvoir, son agenda est vide, les jours s'étirent lamentablement, ses velléités de retour à la politique ne trompent personne. Que faire lorsqu'on a exercé, comme on dit, la charge suprême et que le peuple souverain vous signifie votre congé? Une déprime par exemple : ne plus être envié, désiré, et surtout ne plus être aimé. On a beau s'être préparé, le choc est rude. Alors Dan Lehman, ex-président de la République, homme de gauche et juif, comme Blum ou Mendès, sombre dans l' alcool. Il faut dire qu' autour de lui tout bat de l'aile: son couple si glamour avec cette belle actrice allemande Hilda Muller se délite, sa première femme Marianne, une romancière de talent, le fuit, sa fille Léonie (génération Me Too) lui assène quelques couplets féministes bien sentis...

Vertige existentiel. Certes la politique, ses coups fourrés, ses embuscades, ses trahisons, ressemblait déjà à une forme de guerre larvée, fratricide, mais voici que le monde lui échappe, que les relations entre les sexes s'inscrivent dans un jeu de stratégie, un Kriegspiel à la Clausewitz.

Comme dans toute bataille, le sort est incertain ou pervers. Sa compagne Hilda va jouer dans un film adapté du roman de Marianne, sa première femme. Quant au réalisateur, Romain Nizan, c'est un cinéaste tourmenté, génial mais autoritaire, égocentré et veule. Il prétend défendre la cause des femmes, lutter contre les violences sexuelles mais il va finir par molester sa maîtresse.

Le champ de bataille est sublime : nous sommes au festival de Cannes avant la remise de la palme d'or. Déjà la rumeur court : et si c'était Romain Nizan? Cela relancerait également les ventes du livre de Marianne ? D' autres protagonistes sont présents, chacun est venu chercher sa part de lumière, grappiller quelques confettis de la fête.

Dan Lehman lui aussi a fait le déplacement. Il picole en cachette, toujours un peu plus.

Quelle vérité vient- il chercher, entouré seulement de sa dernière fille Anna, une enfant tendre et muette de naissance?

Points forts

La peinture d'un milieu social où l'argent, la drogue, le sexe ne peuvent combler le mal de vivre.

Avec finesse, Karine Tuil nous décrit la déchéance d'un homme qui s'est brûlé les ailes lors de l'exercice du pouvoir et porte cette blessure comme une marque d'infamie et de désespoir.

Quelques réserves

Des dialogues un peu appuyés, convenus, quelques platitudes où l'auteure abandonne parfois ses personnages pour s'égarer dans la théorie.

Encore un mot...

Un roman plaisant, facile à lire, mais qui n'apporte rien de nouveau sur " les mécaniques cruelles du pouvoir."

Une phrase

“ Le pouvoir est dangereux, impur; plus on l'exerce, plus on occulte la violence et la domination qu'il suppose: il isole, altère les relations et jusqu'à la perception que l'on a de soi. C' est une jouissance peut-être mais une jouissance qui abîme.”